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de raffinement inconnu dans les Cours allemandes de l’époque. La duchesse de Celle avait horreur de l’ostentation vulgaire ; sa Cour était organisée avec élégance et hon goût, elle-même était jolie, aimable, très fine, d’une correction parfaite ; aussi, malgré sa naissance obscure et son titre d’étrangère, les princes voisins, peu habitués aux femmes élégantes et spirituelles, l’entouraient-ils de leurs hommages. Restée très Française de cœur, elle avait attiré à Celle un grand nombre de ses compatriotes, dont la plupart étaient des Huguenots du Poitou[1].

Sophie-Dorothée avait hérité de la beauté de sa mère, de son humeur joyeuse, mais elle n’avait pas son parfait équilibre. Elle était vive et pétulante, coquette à l’excès, avide d’admiration ; « très mal élevée, » répétera plus tard la duchesse Sophie ; peut-être, en effet, son éducation fut-elle plus brillante que solide et Eléonore, mère très tendre, ne l’arma-t-elle pas suffisamment en vue des luttes de la vie.

En 1679, à la mort sans postérité du duc Jean -Frédéric, frère du duc de Celle et d’Ernest-Auguste, ce dernier devint duc de Hanovre.

L’ambitieuse Sophie prit possession avec joie de son nouveau domaine ; mais, malgré ses traditions royales et sa haute intelligence, elle ne sut pas donner à sa Cour l’élégance qu’Eléonore, la parvenue, avait imprimée à la sienne. Lui manquait-il cette souplesse, don bien français, qui fit, en partie, le succès de la Poitevine ?

Du reste, l’influence de la femme légitime d’‘Ernest-Auguste disparaissait devant celle de sa maîtresse, la comtesse Platen, qui avait les vices de la Pompadour sans en avoir la beauté. La duchesse, fière et sceptique, se consola, par la philosophie, de ses déboires conjugaux, mais il existait entre elle et la Platen un sentiment commun : leur haine pour la « parvenue. »

Dans l’histoire de Sophie-Dorothée, la Platen joue un rôle sinistre ; ce rôle commença le jour où elle suggéra à son amant de marier son fils aîné, Georges-Louis, à la riche princesse de CeIle, sa cousine germaine, afin d’assurer l’union des deux duchés.

  1. Parmi les Français qui se fixèrent à Celle, relevons les noms de MM. Chauvet, de Beauregard, de Ridonet, de Boisdavid, de Suzannet, de Lescours, de Matortie, de la Portière, de la Rochegiffart, d’Henri d’Olbreuse, frère de la duchesse ; sa sœur Angélique d’Olbreuse se maria en Allemagne au comte de Reuss.