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régnaient quand vint au monde l’enfant, dont descendent l’Empereur allemand, le roi de Grande-Bretagne, la Tsarine, les reines de Norvège et d’Espagne, sans parler des innombrables princes et princesses qui leur sont alliés.

Le duc de Celle célébra le baptême de sa fille par des fêtes splendides et, sitôt rétablie, Eléonore, en personne avisée, s’attacha à gagner, pour elle et pour son enfant, l’affection des habitans du duché. Elle eut fort à faire : les préjugés contre la « Française » étaient tenaces ; mais, grâce à son affabilité, elle les désarma et on lui sut gré de l’heureuse influence qu’elle exerçait sur le duc de Celle, devenu un homme d’intérieur exemplaire.

Sophie-Dorothée était le rayon de soleil de la petite cour ; un portrait conservé à Herrenhausen, près de Hanovre, nous la représente toute petite fille, fraîche, rieuse, jolie, brune, avec un type bien français, les mains remplies de fleurs, les yeux rayonnans de la joie de vivre. Elle devait hériter d’une fortune importante, mais elle n’était pas princesse, aussi parla-t-on vaguement de son mariage possible avec un jeune Suédois de seize ans, le comte Philippe-Christophe de Königsmark, qui partageait souvent ses jeux. Mais ce projet, si projet il y eut, n’eut pas de suites, Königsmark quitta Celle pour suivre à travers l’Europe sa carrière d’aventures. Un autre prétendant plus sérieux était le prince Auguste-Frédéric de Brunswick-Wolfenbüttel, cousin du duc de Celle ; mais la position équivoque d’Eléonore fit hésiter son père, le duc Antoine-Ulrich. Le désir de ménager à sa fille une alliance princière décida alors le duc de Celle à épouser régulièrement la mère et, malgré la fureur d’Ernest-Auguste et de sa femme, le mariage fut célébré à Celle en mai 1676, en présence du duc de Wolfenbüttel et de la petite Sophie, âgée de dix ans.

Le rêve Insensé de la demoiselle poitevine s’était accompli ; elle était duchesse souveraine de Celle et sa fille était princesse ! Mais, par un étrange retour des choses, cette élévation extraordinaire fut la cause indirecte de son malheur et de celui de son enfant.

Malgré les sarcasmes de la duchesse Sophie, qui, depuis le mariage d’Eléonore, ne tarissaient pas quand il s’agissait de la « parvenue, » la fille de celle-ci était un beau parti. Elle avait grandi dans un milieu auquel sa mère avait imprimé un cachet