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Quand l’école n’était pas fermée aux indigens, ils y étaient fort négligés. Les familles qui étaient en état de payer la rétribution scolaire étaient, à cet égard, les complices du personnel enseignant, car elles n’aimaient pas pour leurs enfans, le contact de camarades d’une condition inférieure, souvent mal vêtus. Le nouveau ou la nouvelle titulaire d’une licence d’enseigner avait beau jurer qu’il n’avait rien payé à son prédécesseur, personne n’ignorait que ces licences étaient vendues. On rencontrait, aux heures de classes, des maîtres et des maîtresses allant donner en ville de lucratives leçons, vaquant à leurs affaires particulières, de sorte que le mari, suppléant la femme, faisait la leçon aux filles et que la femme, suppléant le mari, faisait la leçon aux garçons. Avec l’autorité qui appartient à un réformateur de l’éducation populaire, Pierre Fourier remarque, en 1627, les dispositions perverses et le langage grossier des enfans, l’avidité des maîtres et des maîtresses laïques qui, pour ne pas perdre leurs élèves, pour en avoir un plus grand nombre, réunissent dans les mêmes classes les garçons et les filles et tolèrent leur indiscipline. Il faut se représenter le maître d’école, dans beaucoup de petites paroisses rurales, sous les traits d’un campagnard qui tenait l’emploi de sacristain, balayait et entretenait l’église, chantait au lutrin, sonnait les cloches, enterrait les morts et se mêlait de près aux commérages, aux coteries, aux plaisirs des paysans. Ce magister factotum a survécu assez longtemps à l’ancien régime pour que beaucoup de nos lecteurs aient pu le connaître. L’école de village laissait souvent, d’ailleurs, de bons souvenirs aux écoliers et aux écolières, surtout quand le pédagogue était un prêtre qui tempérait de cordialité paternelle, de dévouement évangélique, la, rusticité bourrue inséparable du milieu : « O mon ami, dit un vigneron manceau, Tienot, à son voisin, que nous avions un bon magister bon prêtre ! — Il m’est avis, lui répond ce voisin Matelin, qu’il ne prenait aucun salaire pour nous montrer. — Cela est vrai qu’il n’exigeait rien ; mais, si on lui présentait quelque chose, il ne le refusait pas. Aussi était-il si pauvre qu’il n’avait rente ni revenu. »

Les congrégations enseignantes ne paraissent pas avoir porté tout de suite ombrage à la suprématie sur l’instruction primaire dont jouissait le dignitaire du chapitre qui dirigeait la maîtrise. Elles avaient pour elles la faveur publique, l’approbation