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générale une impulsion dont l’instruction élémentaire elle-même s’était ressentie. Le prosélytisme religieux aurait dû être un stimulant de plus, mais, en réalité, il avait plus détruit que fondé, et les guerres religieuses, auxquelles il avait conduit, avaient arrêté et fait rétrograder l’élan qui s’était communiqué à tous les degrés du savoir. Si elles avaient réduit l’Université de Paris à la ruine des études et des collèges, on peut imaginer le tort qu’elles avaient pu faire à l’enseignement des filles auquel on attribuait beaucoup moins d’importance qu’à celui des hommes. Une foule de maisons religieuses étaient détruites, abandonnées ou tombées dans le désordre. La population rurale vivait dans une inquiétude constante. Elle n’était guère moins vive dans la noblesse terrienne qui s’était fortifiée dans ses châteaux et y offrait aux paysans un asile. « Je me suis couché mille fois chez moi, — écrit Montaigne qui, lui, n’avait jamais voulu fortifier le sien, — imaginant qu’on me trahirait et assommerait cette nuit-là. » « Les guerres civiles ont cela de pire, — dit-il ailleurs, — que les autres guerres de nous mettre chacun en échauguette en sa propre maison. » Les trêves locales n’étaient pas mieux respectées que les édits généraux de pacification. Nous en produirions mille exemples, si c’était ici le lieu de donner même un aperçu du pullulement de coups de main, de tueries et de mises à sac qui foisonnaient dans une société où, comme l’écrit, en 1574, l’ambassadeur vénitien Cavalli, « il n’y avait pas une province, par une région (terra), pas un village qui ne fût divisé en factions sanguinaires acharnées à se détruire.

Il y a, dans l’éducation féminine, quelque chose dont on a, dans tous les temps, senti l’importance et qui avait particulièrement souffert de cette ère d’alarmes et d’alertes perpétuelles : c’est le goût et la pratique entendue du ménage, l’art de tenir une maison. C’est encore Montaigne qui, dans son troisième livre écrit de 1580 à 1588, remarque l’indifférence et l’insuffisance de beaucoup de ses contemporaines en fait de connaissances ménagères : « La plus utile et honorable science et occupation à une mère de famille, c’est la science du ménage. J’en vois quelqu’une avare, de ménagères fort peu. C’est sa maîtresse qualité... Je vois avec dépit, en plusieurs ménages. Monsieur revenir maussade et tout marmiteux du tracas des affaires environ midi, que Madame est encore après à se coiffer et attifer en son cabinet. C’est à faire aux reines, encore ne sais-je... » Et enfin c’est