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sa fille, elle doit au moins, à toute heure, y avoir l’œil. » Ainsi c’est l’éducation elle-même que le directeur de l’enseignement primaire à Paris voudrait que la mère se réservât, et c’est en cas d’impossibilité qu’elle doit se borner à la surveillance. Le rôle du père et de la mère n’allait pas habituellement plus loin. La fille de Montaigne, Léonore, fut élevée par sa mère avec l’aide de gouvernantes. Pour l’instruction proprement dite, on dut avoir recours à des leçons particulières. L’enfant était née faible comme les autres enfans de Montaigne, qui moururent tous en nourrice, et se développa tardivement. Ce fut une raison pour la sortir peu et elle garda plus longtemps que d’autres la candeur de l’enfance. Son père se fit un devoir de ne pas intervenir dans une discipline pédagogique qu’il trouvait un peu artificielle, mais dont il se faisait scrupule de troubler l’esprit. Pourtant c’est à lui, non moins qu’à sa mère et à sa constitution délicate, que Léonore dut de ne pas connaître les verges. Les soins que prit Mme Acarie pour élever ses filles et particulièrement l’aînée, tels que son biographe contemporain, André Duval, nous les fait minutieusement connaître, se rapportent uniquement au développement moral et pratique et laissent supposer le concours de maîtresses compétentes pour l’instruction proprement dite. C’est, avec d’apparentes puérilités, une école propre à mûrir la conscience et le jugement, à apprendre l’humilité, la confiance filiale, la politesse pour les inférieurs, à former l’esprit de conduite, mais une école dont tout le fruit est destiné à Dieu, qui tend systématiquement vers la vie religieuse. On peut, à plus d’un point de vue, rapprocher de cette éducation celle que Françoise de Chantal donna à ses filles. D’abord le couvent en est aussi l’idéal. Ce n’est pas qu’on puisse les y conduire d’autorité « par des résolutions, mais seulement, — comme le veut son père spirituel, François de Sales, — par des inspirations suaves, » et la liberté que ce grand saint réclamait pour elles fut, en effet, si bien respectée que deux, sur trois, contractèrent mariage. Même prépondérance aussi des devoirs religieux et du travail manuel. Tout naturellement Jeanne-Françoise de Chantal voulut faire de ses filles ce qu’elle était elle-même. Mère si dévouée que François de Sales était obligé de modérer les excès de sa sollicitude ; ne quittant jamais l’aiguille, même pour recevoir les visiteurs, à moins que leur rang ne l’y obligeât ; administrant, du vivant même de son mari, qui