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Ménéschié ?) ; méditatif déjà, pénétré par l’optimisme du pays natal, de tous ses yeux, de toute son âme, il recueille les traits du « paysage fénelonien. »


Mais le paysage fénelonien n’est pas la Dordogne toute crue. L’art et la littérature ont, en même temps que la nature, formé l’imagination de Fénelon.

On croirait que l’hellénisme doit revivre dans les pays qui rappellent la Grèce, dans la Provence par exemple, si sèche, si nette avec son extraordinaire lumière, dans la Provence de la Maison Carrée. Pas du tout. Dans la brumeuse Bretagne, au contraire, Renan tout enfant souhaite de passer sa vie à lire l’Odyssée au bord de la mer. De même au XVIIe siècle dans l’Angoumois, le Poitou et le Périgord, il y a des gens qui aiment le grec par la pente naturelle de leur esprit. Et ce qu’ils préfèrent, ce n’est plus, comme au siècle précédent, Plutarque : c’est ce qu’il y a dans l’hellénisme de plus élevé, de moins artificiel, et de plus harmonieux, et de plus spontané : Homère et Platon.

Fénelon a respiré en naissant cet amour pour la Grèce, et cet amour particulier pour Homère et pour Platon ; et beaucoup plus que les autres écrivains illustres de son temps. Oui, Racine enfant apprenait par cœur Théagène et Chariclée ; homme fait, il admirait Sophocle et il s’inspirait d’Euripide : mais c’est l’art en ce qu’il a de plus savant, de plus réfléchi et de plus serré, en ce qu’il a aussi de plus moderne et de plus troublant, qui plaît à Racine. La Fontaine seul a compris les Grecs comme Fénelon ; mais il a toujours été très écrivain. Fénelon, lui, n’a jamais eu d’arrière-pensée. Il aime les Grecs tels qu’ils sont et pour eux-mêmes ; il a déjà ce sentiment dont s’enivreront la philologie et le romantisme allemand, que le génie grec n’est pas réflexion, mais instinct, sensation, pensée naïve. Fénelon est naturellement grec, et, chaque fois qu’il revoit la Dordogne, il voit aussi, derrière elle, la grotte de Calypso.

Ajoutons un dernier trait, d’ailleurs commun en ce siècle : la piété. Mais c’est une religion riante et belle que la religion de Fénelon. Tout enfant, guéri d’une grave maladie, il fut conduit par sa mère au sanctuaire de Notre-Dame de Rocamadour. Inoubliable pèlerinage qu’il dut refaire bien souvent. De