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américains sur nos compatriotes qui, de plus, il faut avoir le courage de le dire, n’ont à leur disposition jusqu’à présent que des moteurs détestables. Avouons, tout de même, qu’il serait un peu osé de vouloir nier que l’appareil américain soit un véhicule plutôt dangereux ; capable, certes, de rendre à la guerre de réels services, propre aussi à faire la joie de certains sportsmen aventureux, mais qu’enfin, comme appareil de transport aérien, il est au Voisin ce que la motocyclette est à l’automobile. Tel quel, il constitue, certes, une solution élégante, géniale même, nous sommes prêts à l’accorder, du problème de la Locomotion aérienne ; il n’en procure point la solution générale, seule susceptible d’un avenir industriel sérieux. Avec lui, l’aviateur est un homme-oiseau, ce n’est pas un homme-volant dont le seul rôle doit être d’assurer la direction verticale ou horizontale, le moteur étant laissé, s’il le faut, aux soins d’un mécanicien.

Et puis, le Wright a été construit, nous l’avons vu plus haut, pour atterrir dans les prairies marécageuses des environs de Dayton, ou sur les sables de Kitty-Hawk et du camp d’Auvours ; on ne se le figure guère se posant sans heurt dommageable sur un terrain dur ou rocailleux. Pour mener à bien pareil exploit, il lui faudrait des roues pneumatiques, un châssis robuste, des ressorts dans sa suspension, toutes additions qui modifieraient profondément sa construction, lui feraient perdre cette légèreté qui est une de ses qualités les plus précieuses et, enfin, diminueraient sa puissance de pénétration. Il ressemblerait alors à un Voisin, et s’alourdirait, comme lui, probablement, de 70 kilogr., en s’adjoignant un châssis en tubes d’acier, monté sur quatre roues folles. Il ne pourrait plus enlever que son pilote, mais il lui deviendrait possible d’atterrir en tous lieux et l’envolée, aussi, lui serait plus facile : il lui suffirait, tout comme à un Voisin, d’un terrain aplani. Puis, au moment du départ, au lieu de se faire poser, pour acquérir la mobilité nécessaire, sur un petit chariot muni de deux roulettes en « tandem » dans lesquelles s’encastre un rail de bois de 30 à 35 mètres de long, il n’aurait besoin, pour prendre son vol, que de recourir à ses hélices : il serait autonome. Il est juste de reconnaître, pourtant, que si partout où il va, le Wright est forcé de traîner avec lui ce rail (ne parlons pas de la catapulte, reconnue enfin inutile, dont on s’est servi si longtemps pour le lancer), ce dernier présente aussi l’immense avantage de pouvoir se poser sur à peu près n’importe