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demander la modification ou la résiliation de leurs contrats. Les motifs qu’ils en donnent ne sont que trop sérieux. Ils ne sont plus maîtres de leurs chantiers ; les ouvriers ne veulent y reconnaître l’autorité que des chefs nommés par eux ; et enfin, ces ouvriers refusent de travailler plus d’un certain nombre d’heures par jour, nombre qui va toujours en décroissant. Si on les oblige à rester dans les chantiers le même nombre d’heures qu’autrefois, ils y consentent, mais ils s’y croisent les bras ou s’appliquent à travailler avec une lenteur telle que le rendement de leur travail est quelquefois inférieur à la moitié de ce qu’il était au moment où les contrats des entrepreneurs ont été passés avec la Ville : dès lors, ces derniers ne peuvent plus remplir les conditions qu’ils avaient acceptées. Les cahiers des charges prévoient la résiliation du contrat, si certains cas viennent à se produire : ils se sont produits par la faute des ouvriers. Les charges qui incombent aux entrepreneurs se sont accrues dans des proportions imprévues, et qu’il était impossible de prévoir La continuation des travaux est devenue impossible. Il suffit de se promener dans Paris pour se rendre compte de la quantité de travaux qui y ont été entamés à la fois, sans doute imprudemment ; on ne voit partout que des palissades qui enlaidissent la ville, en attendant que l’achèvement de toutes ces entreprises en augmente la circulation souterraine ; mais cet achèvement arrivera-t-il jamais ? En vérité, on n’en sait plus rien : il ne semble pas, en tout cas, que le jour de la délivrance soit prochaine. Cet arrêt des travaux, cet encombrement inesthétique, cette incertitude générale, ce malaise, cette inquiétude, tout cela est l’œuvre de la Confédération générale.

En 1848, Louis Blanc avait proposé une organisation du travail dont on a fait quelques expériences : elles ont eu des conséquences néfastes. Les meneurs d’aujourd’hui ont, à leur tour, une conception nouvelle de ce que doit être le travail bien organisé. Autrefois, on demandait aux ouvriers de travailler tous de leur mieux, et chacun était finalement traité suivant son application, son zèle, son intelligence, enfin suivant ses services. Il y avait alors intérêt à être un ouvrier laborieux, à donner le bon exemple aux autres, à s’élever au-dessus de la moyenne : on devenait contremaître, chef de chantier, etc. La Confédération générale du Travail a changé cela : aujourd’hui, tous les ouvriers, bons ou mauvais, doivent être traités de même, ou plutôt il ne peut plus y en avoir de bons, ni de mauvais, tous devant fournir la même somme de travail. Ce résultat aurait été difficile à obtenir si on avait pris mesure sur les meilleurs, mais