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Le problème difficile était donc d’obtenir des renseignemens. Les patrouilles se heurtaient partout à de l’infanterie, ou à de la cavalerie pied à terre. S’élancer avec une colonne plus ou moins forte, pour forcer la ligne sur un point reconnu favorable, était (d’après les Russes) une entreprise si dangereuse qu’elle était irréalisable. Elle aurait presque infailliblement amené la perte de cette colonne, bientôt resserrée entre les mailles du réseau. Quelques essais heureux amenèrent bientôt le général Samzonoff à constater que des isolés, pénétrant par un ou deux, jusqu’au centre des lignes ennemies, lui rapportaient les renseignemens les plus exacts. La composition de ses troupes lui permettait de trouver facilement des volontaires résolus et expérimentés, et ceux qui partirent ainsi revinrent rapportant pour la plupart de bons renseignemens. Quant au contact du rideau de l’ennemi, il était pris par des patrouilles de découverte fortes de 12 à 15 cavaliers, partant le soir et traversant la ligne des vedettes pendant la nuit.

Ainsi la guerre russo-japonaise à complètement confirmé les prévisions de 1902 sur l’emploi des rideaux. La cavalerie ne peut les déchirer que par le combat à pied, c’est-à-dire par l’action simultanée et superposée de la mousqueterie et du canon.

Les reconnaissances ne peuvent se faire que par de très petits groupes de cavaliers spécialement préparés et instruits. Ils devront être montés sur des chevaux exceptionnellement résistans et habitués à s’orienter de jour comme de nuit. Pour leur instruction, ils seront exercés dans les manœuvres à traverser, sans être vus, les mailles des réseaux des avant-postes, à pénétrer dans la zone de marche de l’adversaire, et à observer ses mouvemens. Tels étaient les « Scouts » de Stuart et de Sherman dans la guerre de Sécession des Etats-Unis. Ce service était assuré par des volontaires d’élite, qui tous étaient des hommes jeunes, instruits, infatigables cavaliers ayant fait leurs preuves d’intelligence et de bravoure. Peu nombreux, ils n’étaient accompagnés que d’un ou deux cavaliers, choisis comme eux pour leur intrépidité et leur sang-froid. Toute l’armée connaissait leurs noms et la perte de l’un d’eux était considérée comme un malheur. Quand ils opéraient dans une contrée amie, ils étaient mieux informés de tout ce qui concernait l’ennemi, que souvent les généraux de celui-ci ne l’étaient eux-mêmes. Lorsqu’ils se