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de la contrebande augmente ; son avantage militaire diminue : quand les navires avaient un faible tonnage, la cargaison, consignée au même point, était déchargée dans un seul port ; maintenant que le navire a des escales multiples, il emporte des cargaisons mixtes où la marchandise coupable n’entre plus que pour une valeur réduite, de sorte que la détention du navire et de la marchandise innocente inflige aux neutres un tort très supérieur à l’avantage qu’en retire le belligérant, désormais arrêté par la crainte d’indemnités formidables.

Au temps de la voile, un croiseur ennemi, guettant les navires marchands, déterminait aisément, par la brise, l’espace de mer dans lequel ils devaient s’engager. Même il arrivait que les belligérans, retenus par vent contraire à l’entrée d’un port neutre, s’en félicitaient pour cueillir au passage les navires, ennemis ou porteurs de contrebande, que ce même vont, qui les empêchait d’entrer, faisait sortir. Désormais, par la vapeur, le navire de commerce est maître de sa route et de sa direction : la chasse est, pour le croiseur, sensiblement plus difficile, sinon dans les couloirs d’exploration aisée, — la Méditerranée, la Mer-Rouge, — du moins dans les grands océans vers lesquels la politique mondiale incline la guerre future. Le navire marchand augmente sa capacité de fuite, le navire de guerre voit diminuer sa puissance de chasse : plus promptement rejoint par la vapeur que par la voile, il se hâte davantage ; il est plus inquiet, plus nerveux, d’autant moins redoutable aux autres qu’il craint davantage pour lui. Enfin, la prise faite, il peut difficilement la conduire en lieu sûr. Dans le navire de jadis, facile à manœuvrer, large et spacieux, qui n’avait à porter que des vivres et de l’eau, l’on trouvait aisément assez d’hommes pour en détacher, de capture en capture, les équipages de prise, que le bonheur des rencontres avait rendus nécessaires. Dans le navire d’aujourd’hui, gros mangeur de charbon, la place manque pour embarquer le surcroît d’hommes nécessaire à la conduite, d’ailleurs plus difficile, des grands steamers marchands. Et c’est, par là, le principe de la saisie de la propriété privée ennemie, sous pavillon ennemi, qui s’ébranle.

Après que la télégraphie sans fil a fait son apparition, on a pu proclamer, à La Haye même, l’inviolabilité de la correspondance postale, ennemie ou neutre, officielle ou privée. Que les ingénieurs trouvent une formule — encore à chercher — pour