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France. Elle pouvait aider l’Allemagne et l’Angleterre, en cherchant des rédactions plus élégantes et plus précises, à trouver au fond des formules meilleures. Appelé par les deux délégations à l’étude conjointe des deux propositions divergentes, M. Renault pénètre dans le Comité qui, loin de les opposer, les combine, garde de chacune ce qu’elle a de préférable, et parfois les mélange harmonieusement de manière à compléter le libéralisme de l’une par la prudence de l’autre. Ainsi les particuliers ont l’accès direct à la Cour, mais l’Etat dont ils relèvent peut le contrôler ; ainsi toute question, qui, dans le délai de deux ans, n’a pas été jugée par la hiérarchie, réduite à deux degrés, des tribunaux dû capteur, peut quand même être évoquée. Avec ces perfectionnemens de détail, la Cour se crée : Cour permanente et stable de quinze juges désignés pour six ans, où les huit grandes puissances ont chacune un juge à demeure et les autres un juge par roulement. Plus heureuse que la Cour, soi-disant permanente, d’arbitrage, qui, faite de tribunaux temporaires, ne trouve que de temps en temps forme et substance, puis s’évanouit dans l’espace, la nouvelle juridiction prend un corps tangible sans que l’amour-propre des puissances secondaires proteste au nom de l’égalité des États dont l’habituel champion, le Brésil, élève seul un veto sans effet.

Maîtresse d’écarter, par la loi d’équité, la loi du capteur, la Cour peut devenir, pour toutes les questions non réglées de la guerre maritime, un puissant instrument d’unification juridique. Mais ce pouvoir même lui est, en ce moment, un obstacle. L’idée que le tribunal pourrait, dans le silence des textes, créer lui-même la loi, loi contraire aux principes anglais, semble, un peu tard, inadmissible à la réflexion britannique : « Nous ne pouvons admettre, dit le Times, que la Cour fasse la loi, nous avons jusqu’au 30 juin 1909 pour ratifier la convention[1] : il est encore temps de conclure les traités qui, fixant le droit, rendront l’acceptation possible. D’ici là, nous ne pouvons laisser aux étrangers carte blanche pour faire des lois sur notre flotte et tenir à leur discrétion notre puissance. » — « Ne dites pas, écrit Holland, qu’en jugeant en équité, la Cour des prises ne ferait que suivre l’exemple donné par les tribunaux anglais, car

  1. Ce délai est exceptionnel ; toutes les autres conventions doivent être signées à la date du 30 juin 1908. Pour le tableau des signatures et des réserves, comparer le Livre jaune de juillet 1908, p. 271.