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On sait qu’en fin de compte, le Concile général se réunit à Ferrare, d’où la peste l’obligea bientôt à s’éloigner.

Transféré à Florence, c’est dans cette ville qu’entre Byzance et Rome, s’opéra solennellement la réconciliation des deux Églises, en présence du Pape et de l’empereur Jean Paléologue qui avait quitté ses États pour relever, par sa présence, l’éclat de ce grand événement. La bulle pontificale qui consacrait l’accord, en énumérait les conditions et constatait qu’aux termes de la déclaration du Concile, « le Pape était le successeur de saint Pierre, père et docteur de toutes les nations et que sa juridiction s’étendait sur l’Église universelle. » Mais elle ne disait pas que ces déclarations n’avaient pas réuni l’unanimité des voix ; que, parmi les évêques grecs, il y avait eu des dissidens. Ce qui le révéla, ce fut leur refus de signer la bulle, bien que l’Empereur y eût apposé son nom.

Il fut alors aisé de prévoir que la réconciliation rencontrerait à Constantinople de nombreux opposans et que leur opposition rendrait nulle l’œuvre du Concile. C’est, en effet, ce qui arriva. Lorsque treize ans après, en novembre 1452, après des incidens et des aventures dont nous parlerons plus loin, le cardinal Isidore — il avait été revêtu de la pourpre l’année précédente, — parut à Constantinople pour y faire promulguer les décrets de Florence, il se heurta contre l’animosité populaire, surexcitée par le fanatisme des hommes les plus influens du clergé grec. Le triomphe de l’Église latine les offensait et les irritait. La promulgation des décrets qu’avait approuvés l’Empereur, et qui faisaient de la foi latine la religion d’État, eut lieu le 12 décembre dans la basilique de Sainte-Sophie. Mais, elle occasionna des troubles et n’apaisa pas les ressentimens. Après comme avant, deux partis restèrent en présence, celui des Latins et celui des Grecs, celui-ci plus puissant que l’autre, avec, entre eux, des abîmes infranchissables.

Une catastrophe foudroyante devait, l’année suivante, mettre un terme à leurs rivalités. Le 29 mai 1453, les Turcs s’emparaient de la capitale de l’empire grec. Le dernier des Paléologue, Constantin XIII, périssait avec gloire sur les remparts de la cité qu’il défendait, et l’œuvre déjà compromise du concile de Florence achevait de sombrer dans ce retentissant et irréparable désastre.

Les événemens que nous venons de résumer à grands traits, forment en quelque sorte le prologue du magistral ouvrage où un savant russe, membre de la Compagnie de Jésus, le P. Pierling, en a dressé le tableau en des pages émouvantes, d’un intérêt captivant, à l’effet d’éclairer, dès le début, la route qu’il s’est proposé de nous faire