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L’humble encrier, creusant sa rondeur ingénue,
A la forme d’un puits secret, au tain obscur,
Reflétant sur son eau tout l’idéal azur,
D’où peut surgir la vérité candide et nue.

Le livre clos n’est rien qu’un bloc lourd et dormant ;
Mais ouvre-le : toujours, à leur destin fidèles,
Ses pages doubles ont une apparence d’ailes ;
Si ton doigt les feuillette, elles battent vraiment...

Ainsi, mieux attentif à ces choses antiques,
Quand le travail te semble un austère devoir,
Tu sentiras autour de toi, si tu sais voir,
Un mystère prodigue en leçons pathétiques.


NOCTURNE


Saurai-je avouer ce que l’ombre
A dit à mon âme, ce soir.
Avec toutes les voix sans nombre
Du vent confus sous le ciel noir ?

Oh ! toute la tristesse tendre
De cette âme d’homme, devant
La nuit où je croyais entendre
Une autre âme en pleurs dans le vent !

Toute l’ardeur que sur la brise
Dispersait mon songe exalté.
Du fond de mon âme, surprise
Par sa propre ingénuité !

Ah ! momens divins où le monde
Brûle des réserves d’amour.
D’angoisse et d’espoir tour à tour,
Dans une seule âme profonde ;