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— Eté ! nappe de grands lacs bleus,
Eau d’azur sans rive et sans ride,
Coule en nos regards, glisse, pleus,
Délice lointain et liquide !

Oh ! comme l’on est soulevé
Vers cet immense espace vide !
Comme il ouvre, au vertige avide,
Un pays enfin retrouvé !

L’air semble rouler dans ses flammes
Un grand cœur divinement doux...
Sens-tu qu’au fond de nos deux âmes
Quelque chose tombe à genoux ?

— Mais j’entrevois ta silhouette
Dans le fouillis des brins ardens.
Et tu souris, rose et muette,
Une herbe longue entre les dents.

Et je reporte tout mon rêve,
Tout mon désir, tout mon amour,
Sur ta grâce de femme, brève
Comme la splendeur de ce jour !

Je concentre sur toi l’extase
Du monde éclatant et divers,
Et ta forme est comme un beau vase
Où j’épanche tout l’univers !

Et c’est toi que j’adore, ô celle
Que j’ai pour moi dans l’infini.
Petite et profonde parcelle
Par qui mon cœur d’homme est uni

Avec la vie universelle !