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En même temps que les étudians, le goût des voyages entraînait de plus en plus vers l’Europe les notables du pays. En 1873, Nasreddin Schâh avait donné le premier exemple ; il le renouvela deux fois encore ; son fils, Mouzaffer-eddîn, se fit une habitude régulière de visiter les capitales et les villes d’eaux. Chaque déplacement fut accompagné de suites nombreuses ; si bien que la domesticité royale dut entrer en contact avec une société nouvelle, qui lui révéla des habitudes inconnues d’indépendance et de liberté. Il semble que le séjour de Paris fit sur eux l’impression la plus vive ; les espoirs de régénération de la Perse s’échauffèrent au souvenir de notre Révolution. Plusieurs devinrent francs-maçons et se firent affilier aux loges françaises.

Tandis que les études de la jeunesse, les voyages du Shah et la réforme de l’administration agissaient sur la Cour et les seigneurs terriens, le négoce dispersait dans la Méditerranée et l’océan Indien les commerçans de Téhéran, Tauris, Ispahan et Chiraz.

Les Persans, jadis incapables de s’appliquer aux affaires, dont ils abandonnaient le monopole aux Arméniens, y sont devenus fort entendus. Le commerce intérieur de l’Iran leur appartient presque en entier. Arméniens et Guêbres ne viennent qu’au second rang ou participent au trafic d’importation et d’exportation, en concurrence avec les grandes maisons persanes, quelques maisons russes et anglaises. A Téhéran, un petit groupe cosmopolite, où figurent deux maisons françaises, fait un commerce de détail. Les sarrâfs persans suffisent à manipuler le papier commercial ; la Banque impériale de Perse et la Banque d’escompte, l’une anglaise et l’autre russe, ne durent leur existence qu’à des raisons politiques. Pour la commodité de leurs transactions, les négocians essaimèrent au dehors. En Russie, ils envahirent le Caucase ; nombreux à Tiflis et à Bakou, ils forment de petites colonies à Astrakhan et à Moscou. Ils pullulent aux Indes, surtout à Bombay, Karatchi et Calcutta employés à l’exportation des produits indiens ou à la réexpédition vers la Chine de l’opium persan. D’autres prospèrent à Mascate, Bassora et Bagdad. En Europe, il n’en existe qu’à Marseille, Manchester et Londres. L’importante colonie persane de Constantinople se consacre au commerce des tapis, achète les produits du continent et les importe par la voie de Trébizonde. Le commerce des tapis entretient également des comptoirs