Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’autre camp, où, s’il en fallait croire Doellinger, les armes n’étaient que des flèches, avait, de son côté, au lendemain du Syllabus de 1864, taillé des flèches nouvelles. Ces paroles ailées s’appelaient les Voix de Maria Laach : théologiens et canonistes de la Compagnie de Jésus y commentaient la doctrine du Syllabus. Cette doctrine comptait parmi les publicistes laïques d’imprudens amis, qui l’exploitaient dans la presse quotidienne avec une pétulance étourdie : il y avait là des questions fort délicates, et c’était une bonne fortune qu’elles fussent abordées avec sérénité par des théologiens bien authentiquement romains, et que leur gravité même invitait à la mesure. Mais les champions du germanisme refusèrent justice aux savans rédacteurs des Voix de Maria Laach : on était offusqué par le mot de Heinrich au congrès de Trêves, proclamant le Syllabus « le plus grand acte du siècle, et peut-être de beaucoup de siècles ; » on flairait dans ces Voix, avant même d’y faire attention, les messagères d’un ultramontanisme usurpateur ; et l’envol de ces flèches jésuitiques était scandé par de nouveaux coups de feu.

Des livres dont les auteurs cherchaient une position moyenne et tentaient de jeter un pont entre les deux pôles de la pensée catholique allemande obtenaient un succès d’estime, et rien de plus : l’écrit fort distingué qu’avait publié en 1862 le professeur Schmid, de Dillingen, sur les Tendances scientifiques dans le domaine du catholicisme, aurait assurément mérité plus d’accueil. L’heure était aux mêlées théologiques, avec les injustices de jugement, les violences de plume, qu’entraînait la passion même de la lutte ; elles sont encore, à distance, profondément douloureuses… Mais lorsque vers 1895 nous visitions l’Allemagne ; lorsque nous y constations le mouvement de confiance réciproque qui poussait les catholiques, vainqueurs du Culturkampf, à s’associer entre eux pour une commune besogne de progrès intellectuel ; lorsque nous pressentions leur belle et libre ambition de reprendre dans l’Allemagne pensante une place analogue à celle qu’ils venaient de conquérir dans l’Allemagne parlementaire, l’évocation même des anciennes misères nous rendait plus imposantes encore ces visions de renouveau, qui nous faisaient admirer, tout à la fois, la force d’élan du catholicisme allemand et la puissance d’impulsion du pape Léon XIII.