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la doctrine catholique, comme assise et comme cadre, certains postulats philosophiques empruntés au sens commun, — à ce sens commun contre lequel les systèmes allemands paraissaient en insurrection. Et voilà qu’en substance, par la bouche de Doellinger, cette Allemagne venait leur dire : C’est moi qui représente la pensée et qui sans vous, au-dessus de vous, malgré vous s’il le faut, représenterai désormais le catholicisme.

Les théologiens de Mayence et Wurzbourg, présens au congrès, s’émurent de cet excès d’honneur que Doellinger accordait à l’Allemagne, et du mépris qu’il affichait pour la science italienne. Il y avait aussi, dans son discours, certaine distinction entre les erreurs dogmatiques et les erreurs théologiques, dont s’alarma leur orthodoxie. Moufang lut une déclaration sommaire, qui formulait leurs objections. L’harmonie superficielle de l’assemblée n’en fut pas troublée, mais Doellinger, dans la dernière séance, souligna l’existence de deux écoles rivales, l’allemande et la romaine. L’une, disait-il, tire avec des armes à feu, l’autre avec des flèches. Et il suppliait celle-ci de ne plus céder à une manie de dénonciation, d’être moins prompte à crier à l’hérésie, et de ne pas décourager, par des menaces de censure, les initiatives des jeunes travailleurs. Heinrich interrompit pour justifier l’école romaine ; et ce fut cette école qui, par l’organe de Moufang, porta le toast à Doellinger, au banquet de clôture : ainsi se prolongeait cette sorte d’accord discordant, concordia discors, dont parlait spirituellement un congressiste.

En se quittant, on s’était dit au revoir : cet au revoir fut un adieu. Le télégramme de complimens que le futur cardinal de Hohenlohe avait, au nom du Pape, expédié à l’assemblée, fut bientôt suivi d’un échange de correspondances entre le Saint-Siège et l’archevêché de Munich. Le discours de Doellinger était survenu juste un mois après celui de Montalembert à Malines les anxiétés s’accumulaient au Vatican. Une sorte de prétendante avait surgi dans l’Église, avec un avocat merveilleux pour soutenir ses titres : elle s’appelait la science théologique, baptisant d’un vieux nom respectable une personnalité très nouvelle. Rome lui barra la route. Pie IX, par un bref du 21 décembre 1863, tout en exprimant l’espoir que les bonnes intentions des congressistes produiraient de bons fruits, déplora qu’une assemblée de théologiens se fût ainsi réunie par une sorte d’initiative privée, sans impulsion ni mission de la hiérarchie, à qui pourtant « il