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et semblait fronder les congrégations romaines, suscita les objections du Mayençais Heinrich ; les professeurs de Tubingue se montrèrent très froids, et bientôt Hirscher s’effaça, jugeant que l’idée n’était pas mûre. Mais une démarche de Michelis, au printemps de 1863, ressuscita le projet : il s’en fut voir à Vienne de Luca, à Munich Doellinger, et travailla si prestement que Doellinger et son collègue Haneberg convoquèrent un congrès à Munich, pour la fin de septembre. De Luca ne tarda pas à sentir que cette assemblée n’aurait rien de commun avec l’association qu’il avait rêvée, et Gonella, nonce de Munich, se montra fort inquiet : qu’allaient faire ces professeurs, brusquement réunis en une façon de synode, sans convocation de l’autorité ecclésiastique ? Mais il était trop tard pour mettre un veto, et les Mayençais, d’ailleurs, qui donnaient au nonce toute sécurité, acceptaient le rendez-vous. Le 30 septembre, le congrès s’ouvrit.

On y fut d’accord pour l’action : d’intéressantes décisions furent prises au sujet de publications savantes et populaires. On y fut d’accord pour déclarer que les savans devaient être attachés aux vérités révélées et se soumettre aux énoncés dogmatiques de l’Église infaillible : quatre congressistes seulement se refusèrent à voter ces propositions, qu’ils eussent voulu compléter par une formule sur la liberté de la science. Mais sur ce dernier point, toute discussion risquait de transformer le congrès en une mêlée ; et le débat fut ajourné. Les congressistes ne commirent aucun acte formel dont Rome pût leur faire un grief, ils envoyèrent même à Pie IX un message fort séant.

Mais ce que devaient retenir, de ce congrès, la presse et l’opinion publique, c’étaient les manifestations oratoires faites par Doellinger, qui en était le président. Doellinger, admirable d’éloquence, présentait à l’univers chrétien la théologie allemande, et définissait le rôle auquel dans l’Église cette force nouvelle était appelée. Son discours était une déclaration des droits. La théologie, expliquait-il, représente cette opinion publique « devant laquelle, à la fin, tous s’inclinent, même les chefs de l’Église, même les dépositaires du pouvoir, le prophétisme coexistait avec la hiérarchie sacerdotale, il y a aussi, dans l’Église, une puissance extraordinaire à côté des puissances ordinaires, et c’est l’opinion publique. » Ainsi semblait surgir, en face de la hiérarchie, une science qui viserait à être l’interprétation