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cardinal B… expliquait qu’on devait envoyer ici des jeunes gens d’Allemagne, pour qu’ils s’y formassent dans le véritable esprit… Ce que sera ma réponse, on le prévoit ; je ne prends pas de précautions, je parlerai allemand, même si c’est là, en pays welche, une façon de casser les vitres. » — « L’antipathie du Saint-Père contre la philosophie, notait-il avec regret en 1855, augmente depuis la proclamation de l’Immaculée Conception. »

Cependant Flir avait observé de plus près ; il s’était efforcé de comprendre, au lieu de se borner à critiquer. Il était sorti, peu à peu, du rôle assez négatif de spectateur dédaigneux ; et d’accord avec le Saint-Siège, grâce à la protection du cardinal Reisach, il s’était voué à une œuvre positive, à une besogne de construction. Le collège de l’Anima, devenu pendant un certain temps une institution purement autrichienne, avait repris, grâce à Flir, son importance d’autrefois : il en avait fait une sorte de centre où tous les évêques allemands pourraient envoyer des clercs et trouveraient eux-mêmes un point d’attache, des informations, des appuis. L’effort avait réussi, et Flir, du jour où il avait regardé Rome en homme d’action au lieu de l’éplucher en dilettante, avait senti tomber beaucoup de ses antipathies.

« Rome, pensait-il toujours, doit se rajeunir au contact de l’Allemagne ; cette évolution sera malheureusement trop lente. » Mais déjà il constatait avec satisfaction que l’ancien nonce Viale Prela, devenu archevêque de Bologne, était plein d’admiration pour l’Allemagne et voulait organiser son diocèse à la façon allemande ; et Flir, qui, peu d’années auparavant, était, ou peu s’en fallait, un bon günthérien, en était venu à souhaiter que ce Viale Prela, que là-haut, sur l’Oder et sur le Rhin, les günthériens avaient en exécration, parvînt un jour à la secrétairerie d’État, voire même à la tiare. Flir, d’ailleurs, commençait à voir clair au sujet de ces philosophes : leur « superbe, » leur « intolérance, » lui déplaisaient « En vérité, s’écriait-il à la fin de 1856, ces savans exerceraient, sur quiconque pense autrement qu’eux une tyrannie qui deviendrait toujours plus insupportable. Non seulement l’orthodoxie, mais la liberté même de la science, exige qu’ils soient humiliés. »

Le paysage du Vatican, c’est un état d’âme : Flir entrait plus avant dans l’intelligence de ce paysage et se faisait au jour le jour une âme plus romaine. « Je ne puis plus me séparer de Rome, » avouait-il à la fin de 1856. « Seriez-vous inquiet de