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tirer des conséquences extrêmes du fait qui vient de se produire. Il n’en est pas moins vrai que les intérêts qui s’agitent, parce qu’ils se sentent menaces, sont un peu différens de ceux sur lesquels reposent les systèmes d’alliances ou d’amitiés de l’Europe. L’Italie et l’Autriche, par exemple, s’aperçoivent une fois de plus qu’ils en ont d’opposés : et ceux qui espéraient amener, peut-être par l’intermédiaire de M. d’Ærenthal lui-même, un rapprochement plus intime entre la Russie et l’Allemagne, voient pour le moins s’éloigner l’accomplissement de leurs désirs.

On a dit aussi que l’Autriche n’avait pas pu obtenir l’avantage considérable que la Porte lui a fait espérer et qu’elle a cru pouvoir escompter, sans avoir rien donné ou fait espérer elle-même, et qu’en retour du bon procédé qu’on y avait eu envers elle, on était en droit d’attendre de sa part, à Constantinople, un peu moins d’énergie dans la poursuite des réformes à introduire en Macédoine. Nous sommes convaincu qu’à Vienne cette conséquence n’est nullement admise ; mais enfin, les apparences sont là, et la diplomatie ottomane est trop experte dans l’art de diviser les puissances européennes qui exercent une pression sur elle, pour qu’on ne soit pas porté à voir dans ce qui vient de se passer une nouvelle manifestation de ce genre d’habileté. La Russie et l’Autriche, fortes de l’entente de Muerszteg, agissaient à Constantinople en commun : le Sultan n’aurait pas été l’adroit politique qu’il est, s’il n’avait pas profité de l’occasion qui s’offrait à lui de favoriser l’une au détriment de l’autre et d’ébranler par là leur accord. Aussi n’a-t-il pas manqué de le faire. Comment ne pas se demander, en se plaçant à ce point de vue, si l’heure a été bien choisie pour la démarche autrichienne ? Aussi n’a-t-on pas manqué de se le demander en Europe. N’est-il pas à craindre que l’Autriche ne soit, en ce moment, un peu désarmée à l’égard de la Porte, et qu’elle ne puisse pas lui manifester les mêmes exigences qu’hier ? Lorsque l’on poursuit deux objets à la fois, l’attention et l’effort s’affaiblissent en se divisant. Ces réflexions se sont présentées, comme il était inévitable à beaucoup d’esprits en même temps. On y a rattaché certains incidens diplomatiques qui se sont passés à Constantinople, et dont les journaux parlent d’une manière un peu trop vague pour que nous puissions en préciser le caractère avec certitude. Il semble bien, toutefois, qu’il y ait eu, depuis quelques semaines, un peu plus de mollesse dans la pression commune que les puissances exercent sur la Porte à propos de la Macédoine ; et comme on attribue à l’Allemagne l’espèce de relâchement qui s’est