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où l’écrivain et l’artiste se complètent, qui répond à ce que l’on demande à un livre d’étrennes et ne peut manquer d’avoir à la même librairie le succès qu’ont obtenu les précédens ouvrages, est ce brillant album où MM. Montorgueil et H. Vogel évoquent la fière et galante figure de Henri IV[1]dans ses grandes lignes et dans quelques-unes des attitudes devenues proverbiales ou restées légendaires. Nous sommes à un moment admirable de la vie intellectuelle de la France, au temps des Estienne, qui font connaître les chefs-d’œuvre de l’antiquité : de Cujas, qui prépare ce qui sera un jour la loi moderne en enseignant le droit romain ; de Pierre Ramus, le rénovateur de l’Université ; de Ronsard, de Bernard Palissy, de Jean Goujon, de Philibert Delorme. Mais artistes, savans, lettrés, sont animés d’un zèle extraordinaire dans la guerre religieuse qui passionne tous les esprits, et c’est sur ce sombre fond que se détache tout d’abord, menant au château de Coarraze, sous les yeux de sa mère, rigide calviniste, la vie rude, frugale et libre des montagnards, le petit Henri de Navarre, tout à ses parties de saute-mouton et de cligne-musette, trop jeune encore pour comprendre quelque chose aux conflits religieux qui font à ce beau pays de France la blessure qu’il sera un jour appelé à guérir. Le voici bientôt à la cour du roi Henri II, qu’il amuse par ses bons mots et ses saillies. A quinze ans à peine, il assiste à la bataille de Jarnac. Échappé à la Saint-Barthélémy, il fait avec Henri III le siège de Paris, bat les Ligueurs à Arques, à Ivry, abjure le calvinisme, se fait sacrer à Chartres, met fin à une longue période de guerres et signe la paix de Vervins et l’Édit de Nantes. Regardez-le alors. Il sourit dans sa belle barbe en éventail, à la fois guerrier magnifique et prince généreux, qui adore ses sujets et en est adoré.

Tel nous apparaît ici le plus spirituel des rois de France avec son tempérament brave, ardent et passionné, cette bonhomie apparente et cette habile séduction, cette volonté et cette force tempérées par la prudence, la souplesse et la ruse, et ce scepticisme de nouveau converti, qui lui permettront de louvoyer entre catholiques et protestans, de manœuvrer entre les deux Églises, de se rendre maître d’une nation divisée, l’aideront à gouverner, à concevoir une vaste politique, à grandir l’influence française en devenant le roi des ministres, des prêtres et des évêques, avec le désir de leur paraître à tous un sincère et puissant protecteur afin de les mieux tenir en bride. Les portraits si bien rendus, si saisissans de vérité, de Marie de Médicis, de Coligny,

  1. Ancienne librairie Furne. Boivin.