Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’eux le courage nécessaire pour une nouvelle tentative d’empoisonnement. Il y a là une insistance qui, simplement au point de vue littéraire, nous surprend et nous choque de la façon la plus déplaisante. Et quand, à la fin du volume, la fille de Mme Tiralla, qui ignore l’épaisseur des ténèbres infernales accumulées dans lame de sa mère, promet à celle-ci que, du fond du couvent où elle va s’enfermer, elle demandera à la Vierge et aux saints d’intercéder pour elle, et quand l’auteur ajoute que cette naïve promesse équivaut, pour la femme adultère et empoisonneuse, « à la grande voix de l’Eglise proclamant sur elle : ego te absolvo a peccatis tuis ! » nous nous demandons, une dernière fois, si l’auteur a expressément résolu de nous scandaliser, ou si la malheureuse idée de cet assaisonnement mystique à l’ordure morale qu’elle a entrepris d’étaler devant nous n’est encore, chez elle, qu’un effet de son désir ingénu de « moderniser » la forme du roman.


IV

Si l’on pouvait juger du rang d’un écrivain par la vente de ses livres, M. Franz Adam Beyerlein, l’auteur du fameux Jena ou Sedan, occuperait, dans la littérature allemande contemporaine, une place supérieure à celles même de M. Frenssen et de Mme Viebig. Mais l’énorme succès de Jena ou Sedan n’a été dû que pour une faible part à sa valeur littéraire, encore que l’on se soit universellement accordé à considérer celle-ci comme très réelle ; et peut-être M. Beyerlein, en écrivant le roman nouveau qu’il vient de publier, a-t-il expressément voulu nous montrer qu’il était capable de produire des ouvrages d’une qualité plus pure, ne tirant leur mérite que de la justesse de leur observation et de l’agrément de leur style. Le fait est que ce roman, Un Campement d’hiver, est par excellence une œuvre d’art, une élégante et savante fantaisie de lettré, sans l’ombre d’une signification philosophique ou morale. Le petit drame qui s’y déroule sous nos yeux n’a rien, en soi, que d’assez médiocre ; et tout l’intérêt consiste dans la sobriété, la concision, le relief vigoureux du récit, qui court et se précipite, de page en page, avec une sorte de fièvre contenue, jusqu’aux catastrophes des derniers chapitres. Cela fait songer à Mérimée ou à Maupassant, en tout cas à nos conteurs français ; mais l’inspiration intime