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trouvent répartis en deux catégories numériquement fort inégales : les grands propriétaires et les petits. Il en était de même avec la loi de 1905 ; mais celle de 1907 a fortifié le privilège des grands propriétaires en leur donnant des délégués particuliers.

En outre, elle a exclu de la curie des petits propriétaires beaucoup de petits acquéreurs de terres, notamment les paysans déjà portés sur les listes électorales des villages. Le moujik qui, en dehors de son lot de terres communales, a su acheter un champ de ses deniers se trouve ainsi écarté des deux curies de propriétaires fonciers. De même que les paysans et que les habitans des villes, les propriétaires ruraux auront, en chaque gouvernement de Russie, un député particulier choisi parmi leurs délégués, mais élu par l’assemblée générale des électeurs de la province. C’est un des traits de la nouvelle loi que si les diverses classes de la population possèdent chacune ses députés spéciaux, ces députés pris parmi ses délégués ne sont pas choisis par elle, mais élus par l’ensemble des électeurs, sans distinction de classes. Cette disposition, dont les paysans, les habitans des villes, les ouvriers se montrent peu satisfaits, est tout à l’avantage des propriétaires fonciers, puisque, dans la plupart des provinces, la loi est rédigée de façon à leur garantir la suprématie.


V

Que sortira-t-il d’un pareil système et de telles assemblées électorales ? D’assemblées où domineront les représentans de la propriété, il ne peut guère sortir qu’une Chambre composée en grande majorité de propriétaires. Déjà les adversaires du gouvernement, les socialistes surtout, flétrissent la prochaine Douma du nom de « Douma seigneuriale, » étiquette qui, en un pays où les classes sociales sont demeurées si différentes et où leurs intérêts semblent opposés, est faite pour exciter d’avance contre la troisième Douma les défiances et les haines des masses. Une Douma presque entièrement composée de grands propriétaires, hostiles aux revendications du peuple, serait un danger pour le gouvernement, peut-être même pour la dynastie.

Une sorte de Chambre introuvable, qui, dans l’excès de son conservatisme, n’aurait que du mépris pour toutes les nouveautés, que des refus pour tous les vœux populaires, irriterait profondément le pays. Elle semblerait justifier la propagande des