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Parlement et l’opinion auraient fort mal jugé une politique qui aurait repoussé les propositions de groupes français pour mettre en valeur le Congo, parce que, en l’absence de tout règlement, des étrangers s’étaient établis sur divers points de cette colonie ; un propriétaire qui veut clôturer ses champs ne doit aucune indemnité aux chasseurs désormais empêchés de les parcourir en toute liberté. Cependant, les négocians anglais plaidèrent contre le « régime concessionnaire : » ils soutenaient que les concessions sont contraires à l’acte de Berlin de 1885, qui a proclamé la liberté du commerce dans le bassin conventionnel du Congo. Ces prétentions furent condamnées par les tribunaux, les Anglais eux-mêmes, en Afrique Orientale notamment, ayant toujours professé que la liberté du commerce n’est pas incompatible avec des privilèges fonciers constitués sur le domaine public. Dans une consultation qu’il rédigea pour les compagnies françaises, Me Henri Barboux avait rigoureusement démontré l’inanité de la thèse adverse.

Les Anglais déboutés portèrent leur action sur un autre terrain ; ils attaquèrent la gestion des compagnies concessionnaires comme attentatoire aux droits des indigènes ; ils voulurent faire tomber sur le Congo français des critiques, extrêmement vives et parfois fondées, qui étaient dirigées surtout contre le Congo belge ou, plus exactement, contre le système des compagnies associées à l’État indépendant. C’était noyer dans une cause très vaste un litige minime et tout local. Que la création des sociétés françaises eût infligé un préjudice aux négocians antérieurement établis, c’était un fait ; mais le gouvernement français ayant agi dans la plénitude de ses droits ne devait aucune indemnité. On pouvait seulement admettre une sorte de compensation gracieuse, et c’est cette résolution de sagesse et d’entente cordiale qui a fini par prévaloir (1906). Les compagnies anglaises évacueront leurs factoreries, en échange du paiement d’une somme dont partie est déjà versée ; le reste sera réglé par annuités.

Aujourd’hui l’accord intervenu apure rigoureusement, quant aux réclamations anglaises, la situation de nos compagnies concessionnaires, et rend toute confusion désormais impossible entre ces sociétés et celles de l’Etat indépendant.