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Francfort-sur-Mein, 7 mars 1854.

L’espoir que j’ai de vous voir cet été me fait un plaisir que vous ne pouvez imaginer. J’ai mille et mille choses à vous dire et à causer avec vous sur une foule de points. Vous avez, probablement, eu connaissance de l’article du 24 du mois dernier dans les Débats sur mon livre. La critique y était peu intelligente. Je crois pouvoir le dire avec impartialité, car le ciel ne m’a pas fait sensible à ce qui est blâme ou éloge imprimé. En somme, la politesse de la forme, la maladresse des jugemens et surtout la longueur matérielle de l’ensemble paraissent m’avoir été utiles, car le libraire a vendu un certain nombre d’exemplaires dans les jours qui ont suivi la publication de ce travail. Il m’a donc fait du bien.

A. DE G.


Francfort-sur-Mein, 12 juillet 1854.

… J’ai toujours présente à la pensée comme la règle de mon ordre, la maxime que vous m’avez écrite en sachant que je venais ici : « pas de dîners, pas de dépêches. » La prédiction s’est parfaitement réalisée. Je rencontre quelquefois M. de Tallenay dans le monde, très rarement chez lui. Il ne met pas les pieds à la Chancellerie et quand nous nous voyons, nous parlons de la pluie et du beau temps. Mais je ne me plains pas et si je suis passé du régime de la grue qui voulait me manger à celui du soliveau, je trouve cela admirable. Du reste, il faut être juste pour tout le monde : il n’y a absolument rien à faire ici qu’à tenir compte de ce qui s’y passe et ce n’est pas grand’chose. La Diète est un bureau d’affaires pour la bureaucratie allemande ; c’est à peine et de fort loin un corps politique. Elle n’exerce pas d’influence ; les deux grandes cours ne veulent pas qu’elle en ait ; la Bavière et la Saxe, quand elles croient en prendre, agissent directement ; il n’y a donc que les tout petits États qui voudraient y aller bon jeu bon argent. Leur impuissance dans les résultats achève de donner à ce malheureux corps germanique un vernis de ridicule dont il se passerait bien. Aussi rien n’est-il plus ordinaire que de voir les deux hommes sérieux de cette assemblée, je dis sérieux par leur caractère et par leur position, les ministres d’Autriche et de Prusse, se plaindre amèrement du vide de leur métier et de l’ennui de leurs fonctions.