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Quoi qu’il en soit, ce retentissant article a marqué une époque décisive dans l’histoire de la pensée de Ferdinand Brunetière. Ce fut, à proprement parler, pour lui « la première étape » « sur les chemins de la croyance. » Il fut dès lors amené par la force même des choses, — et par les objections qu’on lui adressa, — à étudier d’un point de vue nouveau les « questions actuelles » qui se posaient tout autour de lui, et à en proposer de nouvelles solutions. Questions sociales et même politiques, questions morales ou pédagogiques, questions religieuses enfin, à mesure que les livres ou les événemens contemporains lui fournissaient l’occasion de « s’en expliquer, » comme il aimait à dire, il les abordait avec cette rudesse de franchise, avec cette force de pensée, cette rigueur de méthode et cette fougue de dialectique qui lui composaient, parmi les écrivains de ce temps, une physionomie si originale et si vivante. Les principales de ces « études de combat, » — je ne trouve pas d’autre mot pour les désigner, — se trouvent recueillies dans le volume des Questions actuelles[1]. Elles gravitent toutes en quelque sorte, de l’aveu même de l’auteur, autour de trois idées essentielles. Nous avons indiqué la première : l’ « ordre » de la science doit être séparé de l’ « ordre » de la religion. La seconde est bien connue de tous les lecteurs de Ferdinand Brunetière : la religion n’est pas une affaire individuelle, mais une affaire collective. Peut-être y a-t-il lieu d’insister sur la troisième : « il y a comme une convenance interne entre le catholicisme et la démocratie, » à cause de l’expression fort intéressante qu’il en a finalement donnée.


L’un des caractères essentiels, — écrivait-il à ce sujet, — l’un des caractères essentiels de la démocratie, c’est de tondre en tout à l’abolition du privilège héréditaire, dont le maintien et l’extension sont la grande affaire d’une aristocratie. Les démocraties ne sont ennemies ni de la fortune, quoi qu’on en ait pu dire, ni des distinctions personnelles ou individuelles, ni par conséquent d’une certaine « inégalité, » d’une hiérarchie et d’une discipline, dont elles reconnaissent la vertu sociale, mais elles ne veulent pas que rien de tout cela s’ « hérite, » — et précisément c’est en quoi l’on pourrait dire que le catholicisme est une démocratie. Tout est « traditionnel » dans l’organisation de l’Église catholique ; mais rien n’y est « héréditaire. » Tout pouvoir y descend de « haut en bas, » mais ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont en haut, ni les mêmes qui sont en bas…

  1. Voici au surplus les titres des études que renferme ce livre : Après une visite au Vatican ; — Éducation et Instruction ; — la Moralité de la doctrine évolutive ; — le Catholicisme aux Etats-Unis ; — Voulons-nous une Eglise nationale ? — la Fâcheuse équivoque ; — le Mensonge du Pacifisme ; — les Bases de la croyance ; — Pour les humanités classiques.