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center> II. — L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

Une autre critique porte sur ce fait que les écoles protestantes n’avaient donné aucun soin sérieux à l’instruction professionnelle : elle est juste. S’il y aura lieu de discuter les idées directrices de l’Enseignement Officiel à Madagascar, il est un éloge sans réserve à lui adresser : avec une volonté, une vigilance et un esprit de suite entraînans, il a donné une impulsion remarquable à l’enseignement technique, qui est méthodique, mesuré aux facultés des élèves, habilement réparti. Cela est d’autant plus méritoire que plusieurs instituteurs avaient quitté la France dénués de toute expérience ; c’est dans la Grande Ile inculte même, en apprenant avec leurs élèves, qu’ils sont devenus des contremaîtres ; ils y ont mis en même temps un zèle professionnel mûri et la passion juvénile de l’autodidacte pour l’œuvre à réaliser. Attachés aux pupilles dont ils ont à cultiver l’esprit comme leurs ancêtres paysans étaient attachés au sol labourable de la France, ils ressentent une amitié vraiment évangélique pour leurs élèves, disons même d’une façon générale, pour l’indigène, qui a pu les rendre suspects à certains administrateurs, mais en a fait un corps d’élite que les risques mêmes de l’initiative en un pays à conquérir maintenaient dans un constant effort de perfectionnement. A peu d’exceptions près, tous ceux que nous avons vus à Madagascar aiment profondément leur métier, en savent la noblesse et l’intérêt, parlent de leurs occupations avec ardeur et fraîcheur, avec une loquacité où se manifeste encore leur activité communicative. Ce sont des hommes nouveaux, aussi différens que possible des Jean Coste aigris et prématurément séniles de la métropole.

Après avoir traversé la brousse brûlante des plateaux et les landes incultes de la côte, lorsqu’on vient de regarder les vergers morts de caféries abandonnées, des plantations ensablées par une inondation du Mangoro, ou encore l’une de ces anciennes villes délabrées, telles que Mahela, qui donnent si souvent à Madagascar l’aspect d’un pays à ; la fois neuf et ruiné, il n’y a point de spectacle plus réconfortant, à l’arrivée dans un chef-lieu de province, que d’entrer dans les ateliers de l’Ecole Régionale. Sous un hangar, debout sur la terre battue, les jeunes gens sont groupés auprès des établis, tournant la meule, limant une