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Ce n’est point pécher par pessimisme que de conclure que, dans les semaines qui viennent, on aura besoin de recourir aux mêmes expédiens que naguère. Pour être plus positif que le premier, le programme de 1907 n’en est pas moins délicat. On a vu pour quelles raisons, sur ses articles essentiels, un accord précis semble impossible. Il n’en faudra que plus d’ingéniosité pour trouver les formules propres aux adhésions théoriques qui, si elles n’épuisent pas le désaccord, l’atténueront en le masquant. Comme le disait M. de Martens, une tentative de ce genre vaut par son intention avant de valoir par ses actes. Souhaitons que les actes ne soient pas trop inégaux aux intentions, et qu’aux intérêts en lutte on puisse offrir, sinon la certitude prochaine, au moins l’espoir d’ententes possibles. Mais ne cédons pas, surtout en France, aux illusions, voulues ou non, qui attendent de la conférence de La Haye un ordre international nouveau. Ne cherchons pas en elle une excuse à un relâchement de nos forces militaires. Saluons avec gratitude ce qu’elle fera, — ce qu’elle peut faire, — pour accroître, en vue des conflits à venir, les chances de solutions pacifiques ; pour diminuer par conséquent les risques de guerre. Mais n’oublions pas que, selon le mot de M. Roosevelt, si la guerre est un mal, elle n’est pas le plus grand mal et que, pour les peuples, le seul qui soit irréparable, c’est de devenir, matériellement et moralement, incapable de l’envisager comme une possibilité normale.

La conférence de La Haye cherchera à fortifier la justice : c’est son droit et c’est son devoir. Elle ne substituera pas la justice à la force. Après comme avant, ce sera dans leur puissance militaire que les peuples trouveront la sauvegarde de cet idéal, dont les racines plongent dans le passé, dont la cime s’épanouit dans l’avenir, et qui s’appelle la patrie.


André Tardieu.