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la Saxe voulait réaliser ses plans ambitieux et qu’elle traitait secrètement avec la Prusse et la France.

Ce double jeu ne dura pas longtemps. Marie-Thérèse fit exécuter par l’armée du Rhin des opérations énergiques ; les Français reculèrent, et l’espoir dont le cabinet saxon s’était laissé bercer, que l’élection impériale s’effectuerait, sous la protection des troupes françaises, s’évanouit.

Le comte Brühl, le chef presque absolu du gouvernement, continua alors les négociations qu’il avait nouées, — à l’insu de Marie-Thérèse, — avec le Hanovre, plus avide du succès que jamais. Elles visaient le morcellement et le partage de l’Etat prussien. Brühl était convaincu qu’on pouvait exécuter un plan semblable : c’était, en effet, avec des couleurs très sombres qu’un écrit intercepté de Podewil, que Khevenhüller lui communiqua, dépeignait la situation de Frédéric II : « Je dois avouer, ainsi s’exprimait le ministre prussien, que quant à ma modeste personne, j’ai autant de peine et d’inquiétude qu’avant la bataille de Friedberg ! »

Marie-Thérèse eut vent de ces négociations : des lettres interceptées lui apprirent aussi la nature des sentimens qu’on nourrissait en Hanovre à l’égard de la cour de Vienne. On y considérait les subsides anglais comme insuffisans pour entretenir le corps d’armée de secours de l’Electeur. « On expliquera au comte Khevenhüller clairement de quoi il retourne maintenant, et s’il n’est pas bien instruit ou ne peut pas l’être, il y aura des conséquences dont on ne se méfie pas là-bas. La situation par trop mauvaise des affaires dans le Brabant et la faiblesse du prince Charles… en Bohême,… exhortent à la plus grande vigilance, et il faut qu’il se produise un coup, pour entretenir le bon courage et le bon vouloir des puissances maritimes, sans quoi ils auront les ailes en panne… »

Pour George II, cette expression de coup signifiait qu’on donnerait à ces Pays-Bas du côté du Rhin un peu d’air. Le Roi se butait tellement à cet égard, dit dans un rapport Khevenhüller, qu’il exigea l’exécution de cette opération avant que l’élection n’eût lieu. C’est dans ces conditions qu’il espérait éviter la « défection » des deux puissances maritimes. En Hollande aussi on était d’avis qu’on devait faire une démonstration en faveur des Pays-Bas. Les deux puissances maritimes poussaient donc à la paix.