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formes et une des garanties des libertés publiques. Elle avait, sous le long règne de Louis XIV, trop rapidement passé des révoltes de la Fronde à la courtisanerie de Versailles pour être apte à jouer ce rôle. Il est permis de le déplorer et d’autant plus qu’il est trop tard pour qu’elle puisse le reprendre, car si on peut replanter un arbre, on ne replante pas une futaie. Mais il est permis également de faire observer que, dans les pays monarchiques qui ont conservé une ossature aristocratique comme l’Angleterre ou l’Allemagne, ni la liberté n’est moins assurée, ni le progrès plus lent que dans les républiques démocratiques, et que même, dans ces pays, certaines expériences sociales ou fiscales peuvent être tentées avec moins de péril que dans les pays de démocratie pure. En effet, certaines exemptions peuvent être consenties en matière d’impôt, et en compensation, certaines charges supplémentaires acceptées par une aristocratie dirigeante qui rachète ainsi ses privilèges politiques, tandis que, dans les pays où le nombre seul fait loi, si le plus grand nombre des contribuables est exempt d’impôts, ou même très légèrement atteint, les erreurs et les fautes commises par les contribuables ou par leurs mandataires demeurent sans sanction. Ce serait le cas de retourner le vers du poète :


Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi.


Toutes les folies que feraient les Achéens, c’est-à-dire les exonérés, ce seraient les rois, c’est-à-dire les riches qui les paieraient. Ces considérations à la fois politiques et fiscales n’apparaissaient peut-être pas très clairement à l’esprit du Duc de Bourgogne ; mais quand il alliait dans son cœur l’amour de la noblesse et celui du peuple, il avait le sentiment confus qu’il n’y avait point entre ces deux classes d’antagonisme nécessaire, et que leurs intérêts pouvaient se confondre dans une harmonie supérieure.

Quoi qu’on puisse penser des projets de réforme du Duc de Bourgogne, une chose est certaine, c’est qu’il aurait donné sur le trône le spectacle de vertus privées auxquelles, depuis saint Louis, aucun roi n’avait atteint, et cela n’eût point été sans influence. Sans chercher dans le spectacle des désordres de la Cour au XVIIIe siècle l’explication unique et même, si l’on veut, principale de la chute de la royauté, il est certain que ces désordres