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Qui, plus tard, deviendra la substance de l’homme.
La résineuse odeur des pins gonflés de gomme
D’un balsamique effluve emplit le tiède azur ;
Et, tandis que sanglote ou rit l’Esprit obscur
Qui rôde, et de la plante à l’animal circule.
Qui tremble, harmonieux, de l’aube au crépuscule,
Qui, tel qu’une pensée immense, anime tout.
Plus d’un rêveur contemple, immobile et debout,
N’osant bouger dans son extatique paresse,
De peur que le vivant décor ne disparaisse.

LE DUEL


Les deux jeunes taureaux se provoquent, hagards,
Et le brutal défi menace en leurs regards.
Vierges du joug, déjà leurs fronts, dont le poil frise,
Se cherchent, et déjà chaque mâle se grise
De colère ou bondit d’impatience et, quand.
L’œil aveuglé d’éclairs, les cornes se choquant,
Les rivaux, pleins de haine en leur orgueil farouche,
Luttent, l’audace au cœur et la bave à la bouche ;
Lorsque vibre le sol foulé des durs sabots ;
Qu’ivres enfin de rage, ils s’acharnent, plus beaux
De toute leur fureur qui beugle et qui s’irrite.
Nul ne croirait qu’un jour, selon l’antique rite.
Dans la plaine, à l’époque où l’on sème les blés,
Pour un labeur paisible humblement assemblés,
Les champions écumans seront ce couple grave
De qui le cou dompté subit la rude entrave,
Qui féconde la glèbe et creuse le sillon.
Et que mène un enfant du bout de l’aiguillon.

DEUX VIES


Chaque jour, un enfant timide, à la même heure.
Sort la vieille jument de la vieille demeure.
D’une allure très lente et comme résignés.
Tous deux s’en vont vers des pacages éloignés,
Et muets, à l’écart des bruits de la grand’route.
L’enfant médite auprès de l’animal qui broute.