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manie « interventionniste » signalée plus haut, et qui est particulièrement fâcheuse, quand elle s’exerce dans le domaine de la politique étrangère. Ce sont d’autres influences, auxquelles s’ajoute une inclination pour le panache, qui ont incité le gouvernement fédéral à s’emparer d’affaires où il n’a qu’un intérêt de sentiment, et ce ne fut jamais pour en faciliter les solutions. On peut dire qu’en ces circonstances, il s’est montré fort peu impérialiste. Il est curieux de remarquer que c’est le groupe le plus ardent à revendiquer cette épithète qui fut toujours le plus empressé à créer des embarras à la diplomatie britannique et à gêner les négociations poursuivies à Londres au sujet de questions « impériales. »

Si difficile qu’il soit de distinguer entre les mouvemens profonds et les agitations de surface, on incline à penser, après une attentive observation du caractère australien et des affaires australiennes, que les aspirations militantes du jeune Commonwealth ne constituent pas, — comme on l’a souvent assuré, — un danger sérieux pour les établissemens des autres nations dans le Pacifique. La possibilité, pour les Australiens, de s’emparer, par la force ou par l’effet d’une vigoureuse pression diplomatique, des terres ou archipels déjà occupés par d’autres puissances que l’Angleterre, n’existera pas avant longtemps, à moins que de très graves événemens ne soient survenus en Europe. Peut-être, au contraire, ne s’est-on pas assez préoccupé des rapports économiques et commerciaux de l’Australie avec les pays étrangers.

Il faut tenir compte de la force d’expansion naturelle du peuple australien, et elle ne s’est pas encore manifestée. Elle a été complètement paralysée par la politique. Etant données les qualités spéciales de la race, il est improbable que cette situation se prolonge beaucoup. Déjà on constate en Australie, dans toutes les classes de la société, une impression encore vague de mécontentement et de malaise, symptôme de désapprobation, non pas tant des actes du gouvernement que de la direction générale donnée aux affaires du pays dès les débuts du Commonwealth. On sent plutôt qu’on ne s’explique le contraste entre ce qui a été fait et ce qu’il eût fallu faire, la disproportion entre l’effort et les résultats. L’opinion en Australie semble prendre conscience de ce qu’il y a d’artificiel dans cette législation hâtive, qui s’édifie par secousses brusques et cependant avec lenteur, abritant sous des théories hasardeuses une complaisante