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est essentiellement moteur, c’est-à-dire qu’elle agit toujours par des muscles et sur des muscles, principalement sous la forme d’un arrêt ; et l’on pourrait choisir comme épigraphe de cette étude la phrase de Maudsley : « Celui qui est incapable de gouverner ses muscles, est incapable d’attention. » L’attitude corporelle d’un homme attentif n’est pas la même que l’attitude d’un homme distrait. Comparez un auditoire qui s’ennuie à un auditoire captivé, un élève dissipé à un élève recueilli, un animal qui guette sa proie à un animal qui joue. La différence de ces deux états de la conscience, attention et distraction, s’accompagne et se traduit par des modifications physiologiques, principalement musculaires. Quel est donc ce mécanisme et à quoi sert-il ? La recherche se trouve ainsi bien facilitée.

Dans l’état ordinaire, en effet, c’est-à-dire dans l’état de distraction, les sens continuent de fournir un grand nombre de sensations, la mémoire d’images et de souvenirs ; c’est un papillonnement perpétuel, une roue qui tourne indéfiniment. Dans l’état d’attention, au contraire, les sens sont fermés, la mémoire arrêtée, l’esprit fixé : le frein a été serré et la roue ne tourne plus. Le papillon s’est posé. Nous avons un état de « mono-idéisme. » Or, toute l’attitude de l’homme attentif correspond à ces mouvemens d’arrêt, d’inhibition musculaire. « Elle dénote un état de convergence de l’organisme et de concentration du travail, » car, « la concentration de la conscience et celle des mouvemens, la diffusion des idées et celle des mouvemens vont de pair. »


Mais chaque genre a sa réalisation parfaite. Le chef-d’œuvre des explications physiologiques est la théorie célèbre des émotions, telle qu’elle a été proposée, presque simultanément, par le médecin danois Lange et par le psychologue américain, William James.

Jusqu’au petit livre de Lange et à l’article de James, dans le Mind, on avait toujours considéré que l’émotion, étant un état violent, s’accompagnait naturellement de manifestations corporelles, telles que des gestes, des mouvemens, des jeux de physionomie, de la rougeur ou de la pâleur, de l’essoufflement, du rire ou des larmes, etc. Dans ces divers phénomènes, on voyait la conséquence et le résultat de l’émotion. On disait : J’aperçois un pistolet braqué sur moi ; j’ai peur : je pâlis et je me sauve.