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des bénéfices avec la Compagnie de Lyon : ainsi l’Etat, en 1907, versera 15 millions aux Compagnies, mais en recevra 17 millions et demi, de sorte qu’il aura un boni de 2 millions et demi ; en 1895, au contraire, il devait leur verser, sans aucune contre-partie correspondante, 99 millions ; c’est donc, du chef des progrès de l’exploitation des chemins de fer, une économie pour le Trésor de 101 millions en 1907 relativement à 1895.

Les 136 millions d’économies des conversions, les 101 millions de disponibilités annuelles résultant des réductions de compte de la garantie d’intérêts ou de la participation dans les bénéfices des voies ferrées, c’est là une double aubaine d’ensemble 237 millions qui eût dû mettre à l’aise nos budgets. Et cependant, ils sont retombés dans la gêne la plus préoccupante, dans le déficit le plus manifeste en 1906 et en 1907 : M. Poincaré le proclame avec netteté, sinon même avec rudesse, ce qui, de sa part, est méritoire ; le doyen du Parlement et du parti, M. Magnin, homme de grande expérience, le reconnaît avec mélancolie. Le présent est dur pour le contribuable, et l’avenir s’annonce pour lui comme encore plus sombre. Comment, en trente-six ans de paix, malgré le bénéfice énorme des conversions et les revenus, au lieu des charges, que l’Etat commence à retirer des voies ferrées, en est-on arrivé à cette sorte de détresse ? Nous n’y voyons, quant à nous, qu’une cause, une seule, et c’est M. Poincaré lui-même qui l’indique (page 35 de l’Exposé des motifs) : « La fièvre de dépenses un moment conjurée a bientôt des retours offensifs. » On est retombé dans une nouvelle ère de folies et, si l’on n’y met un terme, le budget va être de nouveau submergé et offrir des insuffisances de 3 ou 400 millions, sinon davantage, comme dans la période de 1878 à 1887.


III

On cherche, cependant, d’autres causes à la gêne actuelle du Trésor : ce ne serait pas seulement l’entraînement des dépenses qui l’aurait conduit à ces insuffisances de ressources, c’est, dit-on, des dégrèvemens inopportuns ou excessifs. Que certains abandons d’impôts aient été malencontreux, on n’en peut douter. Mais il est impossible de soutenir que, dans les trente-six années de paix ininterrompue qui viennent de s’écouler, le Trésor français