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à son ambition un demi-million d’hommes, ce sanctuaire que saint Ambroise ferma à Théodose pour le massacre des Thessaloniciens, mais il aura Rome !... Il sera, pour la famille d’un monstre, unique obstacle au bonheur du monde, le ministre d’une consécration nouvelle, mais il aura Rome !

« Ah ! mon cher comte, le cœur se serre tellement à cette pensée qu’il ne peut laisser échapper la conscience à des vérités que toutes les forces ultramontaines ne parviendront jamais à écarter. Mais espérons plutôt que tout ce que disent les gazettes françaises est faux, ou du moins attendons d’en être sûrs pour le croire. »

À ce cri de colère. De Maistre répond par « des duretés. » « Ah ! comme vous traiteriez et bien justement un homme qui en avouant qu’il ne croit pas à telle où telle pièce attribuée à votre maître en parlerait cependant pour regarder comme déjà faites je ne sais combien de bassesses purement idéales. C’est cependant ce que vous faites, mon cher comte, et c’est une assez curieuse chose d’entendre un gentilhomme français raisonner ainsi, tandis qu’un luthérien, M. de Rennenkampf, prouve ici par écrit que toute cette affaire n’est qu’une absurde et atroce comédie, ce qui saute aux yeux. » Et ces « duretés » que Blacas reproche affectueusement à son ami, et dont celui-ci s’excuse, sont le point de départ d’une longue discussion théologique qui détourne un moment les deux correspondans de l’objet accoutumé de leurs préoccupations.


III

Au cours de ces événemens, on apprenait tout à coup à Londres dans les premiers jours du mois de septembre, la présence en Europe d’un homme depuis longtemps oublié, le général Moreau. Après un séjour de plusieurs années en Amérique, il s’était mis en route pour le continent. Mais au lieu de venir en Angleterre où l’attendait sa jeune femme arrivée dix mois avant lui, il était allé débarquer le 1er août à Stralsund, en Suède, où le prince royal Bernadotte l’avait reçu comme un ancien ami, entouré de soins et d’hommages et traité en héros. De Stralsund, ce revenant s’était rendu à Prague. L’empereur d’Autriche rallié enfin à la coalition s’y trouvait avec le tsar Alexandre et le roi de Prusse. La guerre recommençait. La part que venait