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moins déguisés, qui les rendaient douloureusement humiliantes pour leurs envoyés et sous lesquels ils trouvaient toujours la main de l’Autriche. La Ferronnays dut feindre de croire à la sincérité du langage impérial. Peut-être même y ajouta-t-il foi, puisqu’il osa demander la faveur de rester au quartier général russe. Mais, là encore, il échoua. La présence d’un agent de Louis XVIII auprès des alliés était actuellement impossible. Cependant les dernières paroles de l’Empereur, sincères ou non, lui rendirent un peu d’espoir. Alexandre lui promit de le rappeler, dès que les circonstances le permettraient et de faire appuyer auprès du gouvernement britannique les demandes que le comte de l’Isle jugerait utile de lui adresser. A peine est-il besoin d’ajouler que cette double promesse fut oubliée ou que le Tsar ne l’ayant faite que du bout des lèvres négligea de la tenir.

En réalité, de ce pénible voyage La Ferronnays ne rapporta qu’une lettre autographe d’Alexandre au « comte de l’Isle » encore moins explicite que les réponses verbales qui lui avaient été faites.

« J’ai voulu voir le comte de La Ferronnays pour lui parler des sentimens invariables que je vous conserve. Il m’eût été agréable de le conserver auprès de moi, si les événemens avaient été plus avancés. Il vous parlera d’une victoire remportée sur Napoléon en personne ; mais il aura l’honneur de vous dire, en même temps, quels grands efforts exigent encore les circonstances, pour donner aux affaires de l’Allemagne les développemens nécessaires. Nous sommes toujours en présence. Il s’agit de manœuvrer, de choisir des positions, de saisir le moment de frapper un nouveau coup. Vous jugerez, d’après tous ces détails, que, quelque plaisir que j’aurais eu de voir sur le continent le Duc d’Angoulême, je crois que le moment n’est pas encore propice. Il en est de même de l’époque où de grands détachemens pourront être employés immédiatement contre les points que vous indiquez. J’ai besoin ici de toutes mes forces réunies à celles de la Prusse, Les diversions directes ne seront utiles que lorsque nous approcherons du Rhin. Les mouvemens populaires sont trop incertains quand l’esprit n’est pas soutenu par la proximité des armées. J’espère que la Providence continuera à nous accorder sa protection. Nos efforts seront suivis, et notre persévérance est à l’épreuve de tous les événemens. »

Tandis qu’après Noailles, La Ferronnays, comme on vient de