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Quel est le secret de la résistance bientôt victorieuse de Rome, en face de ce génie supérieur et de sa tactique perfectionnée, la raison de son héroïsme, après ses immenses revers ?

C’est l’éducation militaire de tous ses enfans.

L’instruction militaire obligatoire pour tous lui permet de lever sans cesse de nouvelles armées et lui donne des soldats et des cadres tout formés tant qu’i) reste des Romains.

Comment, en effet, s’opéraient les levées, à cette époque de Rome ? L’historien d’Annibal, Polybe, nous le dira lui-même[1].

« Tous les citoyens sont obligés, jusqu’à quarante-six ans, de porter les armes ; soit dix ans dans la cavalerie, soit seize ans dans l’infanterie. On n’excepte que ceux dont le bien ne dépasse pas 400 drachmes, ceux-là sont réservés pour la marine. Quand la nécessité l’exige, les citoyens qui servent dans l’infanterie sont retenus sous les drapeaux pendant vingt ans. Personne ne peut être élevé à une magistrature qu’il n’ait été dix ans au service.

« Quand on doit faire une levée ordinairement de quatre légions, tous les Romains en âge de porter les armes sont convoqués au Capitole... Là les tribuns militaires tirent les tribus au sort et choisissent dans la première, que le sort désigne, quatre hommes égaux, autant qu’il est possible en âge et en force. Les tribuns de la première légion font leur choix les premiers, ceux de la seconde ensuite et ainsi des autres. Après ces quatre citoyens, il s’en approche quatre autres et c’est alors les tribuns de la deuxième légion qui font leur choix les premiers, ceux de la troisième après et ainsi de suite. Le même ordre s’observe jusqu’à la fin, d’où il résulte que chaque légion est composée d’hommes de même âge et de même force.

« Les tribuns, après le serment, indiquent aux légions le jour où elles doivent se trouver sous les armes puis les congédient. Quand elles sont rassemblées, au jour marqué, des plus jeunes et des moins riches on fait les vélites, ceux qui les suivent en âge forment les hastaires, les plus habiles et les plus vigoureux composent les primaires. »

Ainsi l’on pouvait prendre indistinctement, en tout temps,

  1. Duruy, Histoire des Romains.