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outillage de guerre. Les différences existant entre eux consistent surtout dans des quantités et des conditions économiques relatives. Une invention nouvelle ou un armement perfectionné, ne constituant en faveur de l’un d’eux qu’un avantage momentané, ne peut prendre une place prépondérante dans le calcul des prévisions. C’est un à tout dans le jeu de l’un des partis, qui peut être-contre-balancé et au delà, chez l’adversaire, par une mise en œuvre supérieure, une direction plus habile et un emploi mieux conçu de ses ressources.

Acquérir cette supériorité est le but à atteindre pour rester maître de ses destinées. Les leçons du passé éclairent la voie à suivre pour l’obtenir : aussi est-il rationnel de s’y reporter pour y trouver les moyens propres à sauvegarder l’avenir, en les adaptant à notre état social, à nos idées et à nos tendances, comme aux exigences nouvelles des luttes futures. Pour en faciliter la recherche, il n’est pas inutile de procéder par élimination et de faire table rase de croyances et d’impressions, qui, par leur persistance, ne laissent pas d’exercer une influence assez puissante pour modifier et fausser nos institutions et nos idées, et, comme l’ivraie incomplètement arrachée, menacent d’étouffer peu à peu la semence féconde.

La légende de 1792 est une des plus fortement enracinées et persiste encore, malgré ce que plusieurs historiens ont écrit pour en démontrer la fausseté.

Trois fois, en moins d’un siècle, la France a durement expérimenté le peu de valeur des formations improvisées qu’elle préconise, et il n’est pas superflu de rappeler quelques pièces du procès, pour convaincre tous les esprits du peu de consistance que présentent des agglomérations d’hommes, sans organisation solide et sans instruction militaire préalable et pour formuler la loi fondamentale qu’elles ont méconnue ou plutôt qui leur a manqué, non par la faute des hommes auxquels n’ont fait défaut ni l’activité ni l’énergie, ni le patriotisme ni même le génie. Les événemens les poussaient et, s’ils disposaient de ressources considérables, deux élémens, que rien ne remplace, leur échappaient, le temps et les institutions.

De 1791 à 1794, notre pays se trouve en présence de l’Europe coalisée, avec une armée presque désorganisée et, à coup sûr, trop faible pour faire face à l’ennemi sur toutes les frontières. Plus qu’à aucune autre époque, un facteur moral puissant, l’enthousiasme,