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triomphante l’humble surcroît d’éclat dont l’entoure la science des mortels ? Mélanie la Jeune, évidemment consolée de l’oubli de la Terre par la quiétude du Ciel, attendait sans impatience les hommages de l’histoire, lorsqu’elle faillit, au conclave de 1903, perdre à jamais son biographe.

La presse du monde entier, qui parlait beaucoup de l’Autriche, ignora cette façon de duel engagé entre une grande dame romaine du Ve siècle et l’Eglise romaine du XXe. Après trois passes successives, la grande dame d’antan fut victorieuse ; elle avait obtenu du Sacré-Collège que l’ancien secrétaire d’Etat fût laissé libre de lui consacrer quelques années de vie.

Deux années, rapides et fécondes, suffirent au cardinal pour mener à bon terme un imposant volume, qu’il vient de publier à la typographie Vaticane, sous le titre : Santa Melania Giuniore, senatrice Romana, et qui révèle, tout à la fois, une sainte et un savant. Le nom du cardinal Rampolla figurera désormais avec autant d’honneur dans les gloses érudites des livres d’histoire que dans les dépêches des chancelleries. Angelo Mai n’avait été qu’un philologue ; Dom Pitra, une autre illustration scientifique du Sacré-Collège, n’avait touché à la politique qu’une fois dans sa vie, et pour son malheur. Installé dans l’érudition comme dans une retraite, le cardinal Rampolla y fait preuve d’une telle maîtrise qu’on croirait que ses soins et ses pensées n’ont jamais élu d’autre domicile.

A dire vrai, ceux qui connaissaient de très près le passé du cardinal ne sauraient en être surpris. L’Académie romaine des jeunes nobles ecclésiastiques n’a pas perdu le souvenir d’un discours qu’elle entendit, à la veille du concile, au sujet des témoignages donnés à la primauté pontificale par les anciens Pères de l’Orient. Chaque année, l’un des élèves de l’Académie prononçait devant le pape Pie IX quelque harangue d’apparat, qui faisait valoir, surtout, l’enseignement rhétorique de l’endroit. Le morceau d’éloquence dont le jeune Mariano Rampolla del Tindaro donna lecture fut au contraire l’origine d’un long et docte travail auquel la Civittà Cattolica[1] décerna des éloges ; on sentait, dans ce premier

  1. La festa della Cattedra di s. Pietro : de authentico Romani Pontifîcis magisterio solemne lestimonium ex monimentis liturgicis Ecclesiœ imiversœ deprompsit M. A. Rampolla. (libr, de l’Osservatore Romano, 1870). — Cf. Civittà Cattolica, janvier 1871, p. 194-197.