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Dans la nuit du 7 juillet, Serrano, Vialvarestes, Dulce, Zavalla, Bedoya et Cordoba sont arrêtés et envoyés, aux Canaries. « Le gouvernement, dit le Journal Officiel, ne veut pas faire couler le sang ; il espère que ces mesures énergiques suffiront à faire avorter l’insurrection. » Montpensier fut frappé à son tour par un décret d’exil : la Reine disait avoir confiance en sa loyauté et en sa fidélité, mais « des agitateurs abusent de son nom et, pour éviter qu’il soit compromis, je l’invite à sortir d’Espagne pour n’y revenir que lorsqu’il le pourra sans être une cause de difficultés pour le gouvernement. » Les généraux traversent les rues et les places de Madrid sans que le peuple essaie de les délivrer. A la course de taureaux à laquelle Gonzalès Bravo assistait le lendemain avec plusieurs collègues aucune manifestation. Une revue des troupes de la garnison est passée au Prado au milieu d’une parfaite tranquillité, et, le 17 juillet, le Duc et la Duchesse de Montpensier s’embarquent à Cadix devant la même indifférence apparente.

La Reine invita Mercier, notre ambassadeur, à se rendre à la Granja et le reçut en présence du Roi. « Je désire, lui dit-elle, que vous puissiez vous rendre exactement compte de ce qui se passe et en instruire votre gouvernement, et surtout que vous vous chargiez de remercier particulièrement l’Empereur pour tout ce qu’il fait pour nous. Dites-lui combien nous y sommes sensibles. Nous savons que nous ne pouvons rien, faire pour lui en ce moment, mais si jamais l’occasion se présente nous saurons lui prouver que nous sommes reconnaissans. Et que pensez-vous, ajouta-t-elle, du Duc de Montpensier ? — A en juger parce qu’on raconte, sa conduite serait tellement coupable et tellement bête, qu’il m’est bien difficile d’y croire. — C’est vrai, répondit la Reine, et cependant nous ne pouvons en douter. Comment se fait-il que ma sœur ne m’ait pas encore écrit un seul mot, et comment, depuis qu’il sait tout ce qui se dit, Montpensier n’a-t-il rien fait pour le contredire ? — Bravo, dit alors le Roi, a été très habile en le mettant dans la nécessité ou de protester, ou de se compromettre. Avant tout il faut que les situations soient claires. Nous ne voulons faire que ce qui est nécessaire pour notre sécurité et laisser la porte ouverte à tous les repentirs. Nous sommes d’ailleurs persuadés que plusieurs généraux n’ont agi que par entraînement, et que d’autres sont moins engagés qu’on ne le suppose. Si le Duc de Montpensier est aussi dans ce cas, rien ne lui est plus facile que de nous en convaincre ;