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De l’autre côté, un état-major composé d’officiers bien choisis, bien instruits, tenus au courant de l’ensemble de la situation, aptes à intervenir utilement pour assurer les décisions du général en chef, sachant user d’initiative pour faire agir, dans le sens du but général, des opérations qu’ils connaissent tous. Et à leur tête, un major général, travaillant sans cesse avec le général en chef, dont il est le confident de tous les instans ; suivant ses intentions heure par heure, prévoyant, préparant ses décisions ; mais s’inclinant toujours, quelle que soit son opinion personnelle, devant la volonté définitive de son chef...

Quelle différence dans les résultats de la campagne de 1815, si Napoléon s’était fait aider par un état-major comme celui-là ! Les décisions, qu’il a prises avec tant de netteté, avec une ampleur de vues si digne de sa haute réputation, de son grand passé, auraient été exécutées : le général d’Erlon, bien renseigné, bien dirigé, serait arrivé à temps et au bon endroit ; Ligny aurait été un désastre complet pour les Prussiens. — Ney, renseigné à temps sur les résultats de la bataille de Ligny, aurait pu, le 17, recommencer de bonne heure la lutte contre les Anglais, à Quatre-Bras, et aurait peut-être réussi à accrocher Wellington. — La direction de la retraite des Prussiens aurait été connue le 17, de meilleure heure et plus exactement ; Grouchy aurait pu partir plus tôt, mieux orienté. — Dans la soirée du 17, ce maréchal aurait été rejoint par un officier de l’état-major, venant lui indiquer la position exacte de l’armée impériale, et l’aider à prendre une décision, en toute connaissance de cause, pour s’interposer entre les Prussiens et notre armée...

Ce qui nous a perdus en 1815, malgré le talent, le génie toujours puissant de Napoléon, c’est, avec le manque de préparation (les généraux appelés à commander des armées ou des détachemens d’armée, l’insuffisance, le défaut de prévoyance de l’état-major, qui, sans initiative, ne joue qu’un rôle secondaire, effacé ; c’est l’absence de la collaboration incessante du général en chef avec son major général ; ce sont les lacunes du système d’état-major français. Et ces mêmes lacunes, nous les avons revues en 1870.

C’est là ce que nous devons retenir pour l’avenir ; sans doute, il y a un inconvénient dans le système opposé, dans cette intervention incessante, obligatoire, de l’état-major et du major général pour la direction des opérations. Il est pénible pour l’amour-propre du général en chef de se voir enlever une part de