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médiocrement à portée d’oreilles qu’il soupçonnait être narquoises ; car il n’en était, selon toute apparence, qu’au commencement des leçons. Mlle Walther louait cependant ses étonnantes dispositions et se promettait de montrer à Sophie Paulowna que, chez elle en son absence, on n’avait pas perdu le temps. Deux ou trois tasses de thé exquis préparées par les blanches mains d’une Parisienne, une h’eure de conversation non moins délicieuse, et Gricha réconforté était remonté à bicyclette en bénissant une fois de plus l’hospitalité de Bouzowa.

Cette lettre parut faire réfléchir Mlle Belsky ; elle me la lut pour s’assurer probablement que mon opinion serait conforme à la sienne et me demanda sans ambages : — Qu’en pensez-vous ?

— Je pense que votre filleul est peut-être amoureux de votre demoiselle de compagnie, ce qui serait très naturel, et que sa jalousie se trahit par une petite dénonciation.

— Et de qui, de quoi, s’il vous plaît, serait— il jaloux ?

— Mais de l’élève que s’est donné Mlle Gisèle.

— A cela, je ne vois rien d’extraordinaire, répliqua Sophie Paulowna en élevant la voix un peu nerveusement ; tous nos paysans aiment la musique. Vous savez bien qu’elle dirige des chœurs. Elle aura voulu rendre à Fédia, pour lequel, comme tout le monde, elle connaît ma grande estime, un service que… Ce qui m’étonne seulement un peu, c’est que les leçons aient lieu dans le salon.

— Où se trouve votre piano…

— En effet, c’est une excuse… Pourtant… Pensez-vous que je doive réprimander Gisèle ?…

— Ce serait donner beaucoup d’importance à une chose qui, — vous le disiez tout à l’heure, — n’en a guère.

Elle se remit à songer, me regarda en dessous comme si elle eût douté de la sincérité de mon conseil et reprit d’un air de négligence :

— Une fois de retour, je verrai par moi-même. Il sera temps d’arrêter des familiarités… fâcheuses, si parfaitement innocentes qu’elles soient…

— Et justifiées, ajoutai-je, par l’ennui des journées d’hiver dans une complète solitude.

Elle hocha la tête en signe d’assentiment et ne me parla plus de la lettre de Gricha.

Celles de Mlle Walther continuaient d’arriver sur un ton d’en-