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Sur les 13 611 694 habitans recensés en 1900, chiffre qui paraît comporter des omissions et qu’il faudrait sans doute porter à 14 millions, on estime que les blancs sont un cinquième seulement, que deux cinquièmes sont des métis, deux cinquièmes des Indiens et, parmi ceux-ci, 2 millions seulement sur plus de 5 millions se servent encore des langues indigènes, non sans comprendre et parler souvent l’espagnol en même temps. C’est une preuve manifeste des progrès accomplis dans le sens de l’assimilation. Réduits à l’état de dialectes et fort appauvris depuis le temps de la conquête espagnole, les parlers indigènes ont, au Mexique, une situation analogue à celle des langues celtiques en Bretagne, en Écosse ou dans le pays de Galles. Ils sont répandus surtout dans les provinces du Centre et du Sud-Est, où les populations indigènes formaient les groupes les plus compacts ; même aux environs de la capitale, l’État de Mexico n’est pas entièrement hispanifié ; plus au Sud, ceux d’Oaxaca et de Chiapas le sont moins encore, et dans le Yucatan, la langue maya est usuellement parlée, non seulement par les Indiens, mais par les métis et par des gens de sang espagnol presque pur, comme l’est, au Paraguay, le Guarani. Les anciennes langues subsisteront sans doute longtemps encore, sans empêcher ceux qui s’en serviront usuellement de savoir l’espagnol, comme subsistent, dans tout le midi de la France, les dialectes de langue d’oc couramment employés par toute la population, bien qu’il ne s’y trouve presque plus personne qui ignore le français.

Un grand nombre d’indigènes vivent encore à part du reste de la nation dans leurs communes à propriété collective, mais la loi du Reparto a définitivement supprimé celle-ci et prescrit le partage des terres ; on ne l’applique, très sagement, que d’une manière graduelle. Elle n’en aura pas moins pour effet final de permettre aux Indiens de s’élever dans l’échelle sociale. Le sort des journaliers, des péons employés sur les haciendas, s’améliore aussi peu à peu. Tous ces paysans indiens se trouvent aujourd’hui dans une situation sociale et morale qui rappelle, en somme, de très près celle des moujiks russes.

Comme eux, ils sont très pauvres, primitifs dans leurs habitudes, ignorans et passablement superstitieux ; mais plus qu’eux encore, ils sont vigoureux, endurans, et tout porte à croire qu’ils sont aussi susceptibles qu’eux d’évoluer et de progresser. Les peuples qui, malgré leur isolement du reste du monde, sont