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n’en ont pas moins prétendu s’inspirer des plus nobles sentimens et s’appuyer sur le « droit » qu’ont les hommes à vouloir être libres et indépendans.

Dans leur application aux cas particuliers, les traités, issus des guerres, établissent nettement la valeur réciproque des États, et leur influence dans l’ensemble des nations civilisées.

Aussi longtemps que les traités et arrangemens en vigueur répondent à la réalité des forces et de la valeur respective des États, ils sont respectés et il y a paix. Mais la marche progressive des peuples et des gouvernemens n’est pas la même pour tous. Les uns avancent plus vite que les autres. Des circonstances favorables ou malheureuses peuvent en accélérer ou retarder le développement, et lorsque les conditions dans lesquelles un État est politiquement placé ne répondent plus à sa valeur intrinsèque, à l’ensemble des forces qu’il renferme et représente, il y a trouble dans les relations internationales et danger de conflit.

On peut donc dire, d’une manière générale, que l’état de paix est un état d’équilibre, non pas entre les différens États, mais entre la valeur, la force réelle de chacun d’eux et son influence au dehors, telle qu’elle résulte du « droit » issu des derniers arrangemens qui ont déterminé sa position à l’égard des autres États.

On a beaucoup disserté et écrit sur le prétendu équilibre européen, équilibre méditerranéen, etc., en en faisant dépendre le développement ou le maintien pacifique des rapports entre les différentes puissances. Ces mots sonores n’étaient généralement destinés qu’à masquer des convoitises ambitieuses ou intéressées. Il n’y a pas, il ne peut y avoir de vrai équilibre entre les divers États ; il serait en tout cas absolument impossible de le mesurer ou le peser, d’en établir des règles tant soit peu justes et logiques.

Mais il y a, il doit y avoir un équilibre intérieur pour chaque pays entre sa force et son rayonnement au dehors, entre sa valeur réelle et le rôle qui lui est assigné dans la famille des autres États.

On peut comparer ce principe aux lois de la météorologie : aussi longtemps que les diverses couches atmosphériques sont calmes, le temps reste beau ; mais dès qu’il se produit un renversement d’équilibre, il y a mouvement, fluctuation,