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mesure. La mécanique a d’abord été appliquée aux étoffes les plus communes, à celles qui sont teintes après la fabrication ; puis on a employé des fils teints à l’avance, mais seulement pour des tissus peu serrés auxquels un apprêt était ensuite nécessaire ; maintenant la machine a saisi des étoffes plus compactes, ou, comme on dit en fabrique, plus réduites. On pourrait peut-être soutenir qu’elle finira par s’attaquer aux riches tissus façonnés ; toutefois, ces étoffes sans rivales dans le monde, ces tissus soumis à tous les caprices de la mode, résistent à la fabrication en grand bien plus que les articles dont la consommation est uniforme et constante. Il ne faut pas craindre d’ailleurs, même pour les tissus unis, une brusque transformation. Le changement sera ralenti par l’intérêt des fabricans, que le régime actuel dispense d’acheter un matériel coûteux, et affranchit de ces frais généraux qui deviennent écrasans en cas de longs chômages. Si l’avenir, un avenir plus ou moins lointain, appartient au nouveau système, jusqu’à quel point faut-il s’en alarmer ? Le travail en fabrique, en retour d’inconvéniens qui lui sont propres, présente des avantages dont profiterait la cité lyonnaise. Disposé, comme il paraît l’être, à se répandre dans un rayon de vingt à vingt-cinq lieues, il remédierait à une concentration fâcheuse d’intérêts vivant au jour le jour. D’ailleurs, tant que le travail à domicile reste dans des conditions qu’on peut appeler patriarcales, tant qu’il se mêle de près à la vie agricole, s’il ne favorise pas les progrès de la fabrication, il peut conserver du moins parmi les familles des habitudes calmes et régulières ; mais quand il devient exclusivement industriel, quand il transforme la demeure de l’ouvrier en une petite fabrique sans règle, et qu’il rassemble sur un même point une multitude d’ateliers placés sous la menace d’alternatives d’activité ou d’inertie qui les bouleversent, il a perdu le caractère original qui séduisait en lui. Le régime de la grande industrie permet plus facilement de fabriquer à l’avance certaines étoffes et de restreindre ainsi la durée des chômages ; de plus, sans impliquer une réglementation absolue qui entraînerait, dans l’état présent de l’industrie nationale, les plus graves embarras, le travail aggloméré s’accommode de certaines mesures disciplinaires, qui sont des garanties de bien-être et de bon ordre. Au point de vue général de l’avenir, il serait donc permis de bien augurer de la modification qui semble attendre sous ce rapport le système actuel ; mais, si lente qu’elle