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d’Espagne et de Portugal nous plait comme une manifestation éclatante de cette stabilité. Nous n’en raconterons pas les détails, les journaux l’ont fait. Tous ont dit à quel point les journées de Madrid el de Lisbonne ont été brillantes et cordiales. Mais au-dessus de ces fêtes populaires se dégage et s’élève l’affirmation d’une politique, et c’est là ce qui nous touche. Il importe à la France et à l’Espagne que leurs rapports restent ce qu’ils sont aujourd’hui, et que rien ne vienne en troubler la parfaite harmonie.

Nous ne sommes pas partisans d’une politique de races, en ce sens que ce n’est pas dans une communauté d’origine, dont beaucoup d’alluvions diverses ont singulièrement altéré la pureté, qu’il convient, d’après nous, de prendre ses inspirations. La preuve en est, d’ailleurs, dans notre alliance avec la Russie et dans notre entente cordiale avec l’Angleterre. Cependant de vieux biens de famille ont aussi leur force, et si l’union des races ne doit pas être un principe, elle peut être un accident heureux. N’est-ce pas le cas aujourd’hui ? Cette union est une garantie du maintien de l’équilibre et de la paix dans la Méditerranée, qui n’est pas un lac français, comme on l’a dit autrefois présomptueusement, ni même un lac latin, mais dont tous les rivages occidentaux, à l’exception partielle du Maroc, sont peuplés par les races latines, ce qui assure à ces dernières, pourvu qu’elles s’en montrent dignes, un rôle prépondérant dans le progrès que la civilisation est appelée à y faire. Pour cette œuvre, nous devons tous rester d’accord. Le voyage de M. Loubet peut y aider.

Le langage du roi d’Espagne et celui du Président de la République se sont inspirés de ce sentiment. Alphonse XIII a dit qu’il fallait être et rester fort pour être sûr de conserver les bienfaits de la paix, et jamais cette vérité n’a été plus évidente. Nous sommes encore loin du jour où le désarmement pourra être opéré sans danger. C’est bien l’avis de l’empereur d’Allemagne, qui vient de terminer les discours extrêmement énergiques qu’il a prononcés à Dresde et à Berlin par les paroles suivantes : « Donc la poudre sèche, l’épée aiguisée, les yeux vers le but, les forces toujours tendues ! Je vide mon verre à notre peuple en armes, à l’armée allemande et à l’état-major allemand. Hourra ! » L’émotion serait grande si c’était la première fois que Guillaume il tenait ce langage : mais on s’habitue à tout.


Les nouvelles qui, depuis quelques jours, arrivent de Russie, sont de nature à exciter de vives préoccupations. La grève générale menace, si elle se prolonge, d’y devenir rapidement une catastrophe.