Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


1831


Paris, 5 février 183

C’est un malade qui vous écrit, mon cher et respectable ami, et un malade si faible et si souffrant, qu’à peine a-t-il l’usage de sa pauvre tête. Pour le cœur il est tout à vous, et ce cœur vous remercie des observations qui étaient jointes à votre lettre. Une heure de conversation suffirait, je crois, pour vous expliquer ce qui serait trop long à vous expliquer dans une lettre. D’ailleurs tout s’éclaircit et se développe avec le temps. On revient de toutes parts à nous. Les associations catholiques se forment. Je vous recommande l’Agence générale[1]qui est aujourd’hui l’œuvre la plus importante. Patience et courage, nous arriverons. Le 31 janvier a été un jour de triomphe pour la cause catholique[2]. L’effet est immense. Oh ! si l’on savait voir et vouloir 1 Pour moi, je sais vous aimer et vous respecter, et cela m’est doux, et ce bien-là, j’en jouirai tant que le bon Dieu me laissera sur cette triste terre. Les gallicans sont plus furieux que jamais. Leur rage (car c’est de la rage) n’a plus de bornes.


Paris, 3 septembre 1831.

Vous trouverez ci-joint, mon cher et respectable ami, deux paquets que je vous prie de faire parvenir le plus tôt possible à leur destination, après avoir pris connaissance de l’un et de l’autre[3]. J’ai de la peine à croire ces horreurs possibles, et cependant comment en douter ? Des prêtres ont bien pu fabriquer des lettres infâmes et les faire circuler dans toute la France sous

  1. L’Agence générale pour la défense de la liberté religieuse avait été fondée par Lamennais. (Cf. Blaize, t. II, p. 83).
  2. Le 31 janvier 1831, Lamennais, Lacordaire et Waille avaient été traduits devant la Cour d’assises pour provocation à la désobéissance aux lois et au mépris du gouvernement, Lacordaire, en publiant dans l’Avenir le 25 novembre 1830 un article intitulé Aux évêques de France, et Lamennais, le lendemain, un autre intitulé Oppression des catholiques. Waille était gérant responsable. Ils furent tous trois acquittés. (Cf. Forgues, t II, p. 186.)
  3. À cette lettre en étaient jointes deux autres : l’une, de l’abbé Michel Frézier, prêtre de Savoie, à l’adresse de l’abbé Gerbet. lui rapportant les propos, à tout le moins imprudens et prématurés, que l’ancien nonce à Paris, Mgr Lambruschini, et un autre prêtre, l’abbé Letourneur, futur évêque de Verdun, avaient tenus sur le compte de Lamennais ; et une autre, de Lamennais lui-même à Mgr Lambruschini, pour se justifier : cette dernière lettre a été publiée déjà par Forgues (t. II, p. 223-225). M. Vuarin jugea bon de ne pas l’envoyer à destination ; et Lamennais, comme on le verra par la lettre suivante, l’en a finalement approuvé.