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Afin de se donner les moyens d’y travailler lui-même, tout en ne heurtant pas trop l’opinion publique dans un Empire qui comptait une bonne moitié de chrétiens, il affecta d’abord un grand libéralisme ; à peine sur le trône, il avait proclamé l’entière liberté des cultes, et rappelé les évêques orthodoxes chassés par Constance : « Son but, dit Ammien Marcellin, était de consolider la restauration de l’hellénisme en la faisant accepter de l’opinion publique par l’apparence d’un traitement égal pour toutes les religions. Et ailleurs : « L’Empereur agissait de telle sorte que la liberté dégénérât en licence et accrût les divisions ; ce résultat obtenu, il n’aurait plus à craindre pour ses entreprises ultérieures une résistance unanime du peuple chrétien. » « Beaucoup d’exilés rentrant dans leurs églises trouvèrent occupés par d’autres les sièges dont ils avaient été chassés ; ce fut une source inépuisable de conflits ; les graves émeutes d’Alexandrie, les troubles causés par le retour des évêques donatistes et par le second exil de saint Athanase ne sont que des épisodes retentissans dans l’ensemble des désordres qui se produisirent. Le sentiment général des chrétiens ne s’est d’ailleurs abusé ni à ce moment ni plus tard sur les intentions réelles de Julien, et ne lui a tenu aucun compte de sa réserve apparente ; sa persécution « douce, alléchante, plutôt que contraignante, » selon l’expression de saint Jérôme, a excité dans l’Église des colères plus violentes que les persécutions sanglantes et longues des siècles précédens. C’est, d’abord, que chrétien de naissance et baptisé, il se présentait à ses anciens frères avec le double caractère du renégat et du sacrilège. A travers les siècles primitifs où tant d’intérêts pouvaient déterminer et favoriser l’apostasie, l’opinion chrétienne en avait fait le crime des crimes, et l’avait entourée d’une légende de malédiction et d’épouvante. Longtemps après la mort de Julien, le souvenir des rites diaboliques et des formules d’exécration par lesquelles il essayait, paraît-il, d’effacer le caractère indélébile de son baptême demeurait dans les traditions de l’Eglise d’Orient. Se soumit-il à quelque criobole ou taurobole, selon le cérémonial mystérieux de Mithra ou d’Attis ? Saint Grégoire de Nazianze dit qu’il profanait surtout ses mains afin d’en effacer toute trace du sacrifice non sanglant par lequel nous communions au Christ, à ses souffrances et à sa divinité. Son Livre contre les chrétiens, plein de sarcasmes et de blasphèmes, si l’on en peut juger par les fragmens mutilés