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enfin renvoyé au quai d’Orsay avec des observations qui, d’après une nouvelle note officieuse, s’appliquent à tous les points, non sans y introduire des élémens nouveaux. Nous saurons bientôt ce que cela veut dire au juste, et si les observations allemandes se contentent de proposer des modifications au projet élaboré par nous, ou si elles en changent totalement le caractère. Dans ce second cas non plus, la conférence ne serait pas sur le point de se réunir.

Mais un fait plus grave s’est produit, l’arrestation d’un de nos sujets algériens par le Sultan. Il met en cause, avec notre droit, celui de toutes les puissances civilisées dont les sujets au Maroc sont justiciables de leurs consuls. Notre cause, cette fois encore, est celle de tous sans exception, y compris l’Allemagne : le jour où un acte comme celui que le Sultan vient de se permettre serait toléré, il n’y aurait plus au Maroc la moindre sécurité pour les étrangers, à quelque nationalité qu’ils appartinssent. Le gouvernement de la République a fait ce qu’il devait faire. Il a demandé impérieusement la mise en liberté de l’Algérien interné, la punition du caïd qui l’avait arrêté et une indemnité qui irait en grossissant, d’une certaine somme chaque jour qui s’écoulerait sans que satisfaction nous fût donnée. En même temps, il a avisé les puissances signataires de la convention de Madrid de notre ferme résolution de nous faire rendre justice. Aucune ne pouvait faire d’objection, et l’Allemagne a reconnu la légitimité de notre réclamation en donnant pour instruction à M. de Tattenbach, après avoir contrôlé l’exactitude des faits qui l’ont provoquée, d’agir auprès du Sultan dans le même sens que M. Saint-René Taillandier. Cette affaire ne regarde que nous, et nous n’avons besoin du concours de personne pour la résoudre comme il convient ; mais il n’en faut pas moins apprécier l’attitude de l’Allemagne comme une reconnaissance spontanée et assurément très précieuse de notre droit.

Au premier moment, quelques journaux ont cru qu’elle avait pu encourager la provocation du Sultan : rien n’est plus invraisemblable, ni certainement plus faux. L’incident est arrivé, au contraire, fort mal à propos pour M. de Tattenbach qui, malgré son désir d’appuyer en toutes circonstances le Sultan contre nous, s’est vu obligé cette fois de le désavouer. L’acte était trop incorrect ; la mesure avait été trop dépassée. Mais si M. de Tattenbach n’est directement pour rien dans la maladresse que le Sultan a commise, n’a-t-il pas contribué à lui tourner la tête en lui versant avec une abondance imprudente le vin capiteux de la protection allemande ? Les nuances se sont alors effacées aux yeux d’Abd-el-Aziz qui s’est cru tout permis. Il verra bien