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Bénévent, si justement célèbres (vers 1200), elles deviennent, par leur comparaison avec les œuvres similaires à Hildesheim, Vérone, Pise, les documens les plus précieux pour l’histoire de l’iconographie chrétienne et celle de la sculpture métallique. On ne saurait étudier, sur pièces mieux datées, les phases de cette période active et confuse de gestation d’où allait bientôt sortir la première, la grande, la vraie Renaissance, celle du XIIIe siècle.


V

Les historiens de la Renaissance classique ont, depuis longtemps, salué en Frédéric II de Hohenstaufen l’un de ses précurseurs les plus clairvoyans, l’un des initiateurs les plus hardis de l’esprit moderne dans les arts et dans les lettres, comme en politique et en religion. Cette fière et noble figure du petit-fils de Barberousse, hanté à la fois par la gloire et la splendeur des Césars de Rome, des Empereurs de Byzance, des Califes de Bagdad et du Caire, poursuivant ce rêve, alors monstrueux, d’établir, sur les ruines de la théocratie et de la féodalité, une monarchie centralisée, égalitaire et laïque, se dresse, dans la première moitié du XIIIe siècle, avec une hauteur dominatrice qui appelle l’admiration ou la haine, mais qui n’accepte pas l’indifférence. L’occasion était belle pour M. Bertaux de déterminer, si possible, l’importance du rôle que put remplir, dans le mouvement général des arts, ce prince, savant et éclairé, libre vivant et libre penseur, sans préjugés de race, sans liens de traditions, dont la plus longue et la plus active partie de la vie s’écoula dans cette Italie méridionale qui l’avait vu naître (1194) et qui le vit mourir (1250).

M. Bertaux n’a point manqué à cette tâche. Un bon quart, le dernier, de son gros volume, est consacré à Frédéric et à l’art Impérial. Comme dans les chapitres précédens, c’est par de patientes et minutieuses analyses, à coup de monographies successives et de preuves répétées, que l’observateur érudit, fouillant les ruines amoncelées, s’avance et nous mène vers la lumière, ardemment cherchée, des synthèses vraisemblables et définitives. Le travail d’approche à faire était, là, d’autant plus pénible et laborieux, que les matériaux accumulés présentaient un aspect plus disparate, et qu’il s’agissait d’y reconnaître, dans cette confuse gestation, encore mal débrouillée, des Renaissances